Présentation

Couverture du vol. 5, n<sup>o</sup> 2 de la <em>Revue musicale OICRM</em> : « Création musicale et sonore dans les <em>blockbusters</em> de Remote Control ». Image : Pixabay. Graphisme : Chloé Huvet.

Directeur musical de DreamWorks, co-fondateur du studio Media Ventures avec Jay Rifkin en 1989, puis directeur de la compagnie en 2003 qu’il rebaptise Remote Control Productions, le compositeur allemand Hans Zimmer compte parmi les plus influents de la musique de film hollywoodienne contemporaine, en particulier dans le domaine des blockbusters. Autodidacte issu du rock, oscarisé pour Le Roi lion (Roger Allers et Rob Minkoff, 1994), Zimmer travaille régulièrement avec plusieurs réalisateurs majeurs du cinéma mainstream contemporain, dont Christopher Nolan (trilogie Batman, 2005-2012 ; Inception, 2010 ; Interstellar, 2014 ; Dunkerque, 2017), Ridley Scott (Gladiator, 2000 ; Hannibal et La Chute du faucon noir, 2001), Ron Howard (Backdraft, 1991 ; Da Vinci Code, 2006 ; Anges & Démons, 2009 ; Inferno, 2016), Gore Verbinski (Le Cercle, 2002 ; saga Pirates des Caraïbes de 2006 à 2011 ; Lone Ranger, 2013) et Zack Snyder (Man of Steel, 2013 ; Batman v Superman , avec Junkie XL, 2016).

Son omniprésence sur la scène filmique contemporaine se voit renforcée par les nombreux compositeurs œuvrant au sein de son studio Remote Control – tels Ramin Djawadi, Henry Jackman, Steve Jablonsky ou Junkie XL – selon un travail collaboratif à grande échelle, qui a contribué à forger un marqueur musico-sonore spécifique dans les superproductions hollywoodiennes actuelles. Les principaux traits du « style Remote Control », dégagés par de récentes publications, peuvent être résumés ainsi : influence des musiques pop-rock, musique-excitation aux accents marqués, son massif aux connotations épiques généré par le recours aux synthétiseurs venant doubler l’orchestre, simplicité de l’écriture musicale dans son ensemble1Nous renvoyons en particulier à Pierre Berthomieu, « Splendeurs et misères du symphonisme hollywoodien, 1933-2012 », dans N. T. Binh (dir.), Musique & cinéma. Le mariage du siècle ?, catalogue de l’exposition (Musée de la musique, Paris, 19 mars-18 août 2013), Paris, Actes Sud/Cité de la musique, p. 125-137 ; et à Frank Lehman, « Manufacturing the Epic Score. Hans Zimmer and the Sounds of Significance », dans Stephen C. Meyer (dir.), Music in Epic Film. Listening to Spectacle, New York, Routledge, p. 27-55..

Il importait donc d’ouvrir le champ, de dépasser ce « modèle » hégémonique et le simple constat d’un appauvrissement présumé du matériau musical, en allant au cœur des partitions des films Remote Control, étudiées sous des angles très divers et selon différentes méthodologies dans les contributions de chercheurs américains, québécois et français réunies dans le présent numéro, pour mieux comprendre à la fois le mode de fonctionnement du studio ainsi que la conception même des bandes sonores dans leur intégralité.

L’article introductif de Nicholas Kmet sert de fondements aux déploiements analytiques proposés dans les textes suivants. L’auteur retrace le fonctionnement du processus créateur collaboratif au sein de Remote Control, et dégage les conséquences qui en découlent sur la nature même de la composition musicale. Jérôme Rossi propose ensuite une étude comparative des musiques de Danny Elfman pour Batman (Burton, 1989) et de Hans Zimmer pour The Dark Knight Rises (Nolan, 2012), en lien avec les évolutions esthétiques et technologiques des films. Cette perspective sur les films d’action des années 2010 est complétée par Hubert Bolduc-Cloutier, qui étudie les caractéristiques musicales récurrentes des scènes de poursuite au regard de la narrativité filmique et de l’esthétique immersive et spectaculaire des blockbusters contemporains. De son côté, Cécile Carayol s’attache à explorer une facette assez méconnue de l’évolution de l’esthétique zimmerienne, à travers le tournant opéré à partir de La Ligne rouge (Terrence Malick, 1998), matrice d’une écriture électro-minimaliste et contemplative, pensée dans son contexte narratif et sonore global. Les deux derniers articles proposent des études de cas des dernières collaborations du tandem Zimmer/Nolan : Chloé Huvet montre comment la partition d’Interstellar place l’humain au coeur du film et analyse la façon dont les passerelles entre musique et sound design revêtent un rôle narratif et dramatique crucial. Enfin, en s’intéressant à la conception musico-sonore de Dunkerque, Emmanuelle Bobée établit la dimension résolument novatrice et expérimentale de la bande-son de cette superproduction destinée à un large public.

Ce numéro accueille également une note de terrain de Federico Lazzaro sur Yves Margat, nouvelle contribution au projet de recherche sur l’histoire de l’esthétique musicale en France entre 1900 et 1950 menée par l’équipe « Musique en France aux XIXe et XXe siècles : discours et idéologies » (ÉMF) à partir du dépouillement de la presse musicale. Deux comptes rendus complètent le présent volume : Djuka Smoje se penche sur la possibilité des rencontres entre la peinture et la musique, objet du livre Peindre, écouter, écrire de Rita Ezrati et de Jean-Jacques Nattiez publié en 2017. Enfin, Marc-Antoine Boutin offre un regard critique sur les réflexions ouvertes par Anne Boissière dans Chanter, narrer, danser. Contribution à une philosophie du sentir (2016).

Chloé Huvet, directrice invitée


Articles

Remote Control. Collaborative Scoring and the Question of Authorship
Nicholas Kmet

Essai de caractérisation de l’évolution des musiques super-héroïques de Batman (1989) à The Dark Knight Rises (2012)
Jérôme Rossi

Musique et immersion spectatorielle dans les scènes de poursuite des films d’action du cinéma hollywoodien contemporain
Hubert Bolduc-Cloutier

La Ligne rouge de Hans Zimmer. Matrice d’un « nouvel Hollywood » électro-minimaliste et contemplatif
Cécile Carayol

Interstellar de Hans Zimmer : plongée musicale au coeur des drames humains, par-delà l’infiniment grand. Pour une autre approche de l’esthétique zimmerienne
Chloé Huvet

La partition sonore et musicale de Dunkerque (C. Nolan, 2017). Une expérience sensorielle inédite
Emmanuelle Bobée


Notes de terrain

Variations… sur Yves Margat (humour estetico) (« Anthologie du PHEM »/Musicographes, 2)
Federico Lazzaro


Comptes rendus

Peindre, écouter, écrire, de Rita Ezrati et Jean-Jacques Nattiez
Dujka Smoje

Chanter, narrer, danser. Contribution à une philosophie du sentir, d’Anne Boissière
Marc-Antoine Boutin

 

Couverture : Image issue de Pixabay, sous licence Domaine public.
Graphisme : Chloé Huvet et Solenn Hellégouarch.


PDF

RMO_vol.5.2_Introduction

Attention : le logiciel Aperçu (preview) ne permet pas la lecture des fichiers sonores intégrés dans les fichiers pdf.

 


Ce numéro est également disponible sur le site du consortium interuniversitaire canadien Érudit : https://www.erudit.org/fr/revues/rmo/2018-v5-n2-rmo04134/.

Notes

Notes
1 Nous renvoyons en particulier à Pierre Berthomieu, « Splendeurs et misères du symphonisme hollywoodien, 1933-2012 », dans N. T. Binh (dir.), Musique & cinéma. Le mariage du siècle ?, catalogue de l’exposition (Musée de la musique, Paris, 19 mars-18 août 2013), Paris, Actes Sud/Cité de la musique, p. 125-137 ; et à Frank Lehman, « Manufacturing the Epic Score. Hans Zimmer and the Sounds of Significance », dans Stephen C. Meyer (dir.), Music in Epic Film. Listening to Spectacle, New York, Routledge, p. 27-55.

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