Binômes interartistiques. L’impact du théâtre et de la danse sur les méthodes de création musicale de Georges Aperghis et Thierry De Mey
Krystina Marcoux et Isabelle Héroux
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Résumé
Peu d’études se sont penchées sur l’influence directe de la danse ou du théâtre sur les méthodes de création musicale des compositeurs collaborant étroitement avec ces milieux artistiques. Dans le cas de Georges Aperghis, les recherches se sont souvent limitées à son traitement de la voix ou du texte, tandis que celles portant sur Thierry De Mey se sont centrées sur ses réalisations pour le cinéma ou la danse. Or, leur relation respective avec Antoine Vitez et Anne Teresa De Keersmaeker, et l’impact de ce dialogue sur leurs processus créatifs, demeurent largement sous-étudiés. Pour combler cette lacune, cet article adopte une double approche documentaire et analytique, s’appuyant sur des entretiens, l’examen d’archives et la comparaison des spectacles Jojo (1990) et Simplexity (2016). Il en ressort que l’improvisation, la fragmentation, la mise en tension et le rôle actif des interprètes constituent des pratiques récurrentes, confirmées par l’étude d’autres œuvres. En définitive, l’interdisciplinarité induite par ces collaborations renouvelle profondément la démarche compositionnelle d’Aperghis et de De Mey.
Mots clés : arts vivants ; Georges Aperghis ; interartistique ; processus créatifs ; Thierry De Mey.
Abstract
Few studies have examined the direct influence of dance or theater on the methods of musical creation among composers collaborating closely within these artistic disciplines. In George Aperghis’s case, research has often focused on his treatment of voice or text, while studies on Thierry De Mey have examined his work for film or dance. Yet their respective collaborations with Antoine Vitez and Anne Teresa De Keersmaeker, and the impact of these interactions on their creative processes remain largely underexplored. This article employs a dual documentary and analytical approach to fill this gap, drawing on interviews, archival research, and a comparison of the productions Jojo (1990) and Simplexity (2016). The findings show that improvisation, fragmentation, tension, and the performers’ active role are recurring practices, confirmed by examining other works. Ultimately, the interdisciplinarity generated by these collaborations significantly reshapes the compositional strategies of both Aperghis and De Mey.
Keywords: creative processes; Georges Aperghis; interartistic; music; performing arts; Thierry De Mey.
Introduction
Les arts vivants comme la musique, la danse et le théâtre, se retrouvent parfois au cœur de collaborations qui bousculent les frontières disciplinaires et ouvrent la voie à des formes d’expressions renouvelées et difficiles à cerner. À ce sujet, Pierre Treille (2016) distingue plusieurs préfixes utilisés pour qualifier les relations entre disciplines : pluri- et multidisciplinaires renvoient principalement à la juxtaposition de domaines distincts, tandis que transdiscipline évoque une transformation ou un dépassement des frontières disciplinaires. Il privilégie toutefois le préfixe inter-, qu’il considère comme « une notion dynamique qui permet d’établir un pont d’une discipline à l’autre » (Treille 2016, p. 207). Partant de cette perspective, nous utiliserons le terme interartistique introduit par Patrice Pavis, pour qui :
[I]l s’agit d’expérimenter des rencontres où chaque art s’obstine à maintenir son identité et ses principes. […] L’interartistique réside dans l’art d’utiliser au mieux ce que chaque art apporte d’unique tout en lui opposant une autre manière de signifier ou de représenter. L’incompatibilité ou la différence produit un effet de perspective qui oblige à reconsidérer chaque art et à le penser dans son rapport à l’autre (Pavis 2001, p. 23).
Comme le souligne Marie-Christine Lesage, la création interartistique renvoie « plus spécifiquement à des processus de création fondés sur des dialogues complexes entre des pratiques autonomes » (Lesage 2016, p. 19). Contrairement à la transdisciplinarité, qui tend à fusionner les disciplines en une entité nouvelle, à l’instar de la rencontre entre la photographie, la musique, la dramaturgie, le théâtre et la scénographie ayant donné naissance au cinéma (De Mey 2016), la création interartistique permet de valoriser et maintenir l’identité de chaque discipline tout en favorisant les échanges entre elles. Nous mobilisons donc cette notion pour analyser comment les interactions entre musique, théâtre et danse enrichissent la création, tout en valorisant leurs spécificités propres. Ce sont précisément ces dynamiques de rencontres co-créatives qui constituent le cœur de cet article, à travers l’étude de deux binômes emblématiques : Georges Aperghis et Antoine Vitez, ainsi que Thierry De Mey et Anne Teresa De Keersmaeker. Ces collaborations interartistiques ne modifient pas seulement les rapports entre disciplines : elles tendent aussi à transformer les rôles des artistes impliqués1Dans cet article, l’utilisation du genre masculin a été adoptée afin de faciliter la lecture et n’a aucune intention discriminatoire. dans le processus créatif. En effet, elles supposent une redéfinition des fonctions traditionnellement assignées aux créateurs et aux interprètes, et appellent à une participation active de ces derniers à la genèse même de l’œuvre. Dans les environnements collaboratifs, l’interprète ne se contente pas de reproduire les intentions du créateur, mais devient un véritable acteur de la création, capable de manipuler et d’enrichir les matériaux artistiques proposés (Marcoux 2019 ; Gindt 1990). Cette posture, qui nécessite lâcher-prise et expérimentations, contraste avec la formation académique des musiciens classiques, centrée sur une hiérarchie entre le compositeur et l’interprète (Desi et Salzman 2008). Celle-ci, axée sur une maîtrise technique rigoureuse et une interprétation codifiée, limite la capacité des musiciens à s’adapter à des environnements où l’improvisation et la flexibilité sont au cœur du processus créatif. En effet, contrairement à la danse et au théâtre, où la création repose principalement sur des échanges constants, le musicien classique est contraint par une partition figée, rendant difficile l’intégration dans des collaborations interartistiques fondées sur l’expérimentation collective (Longuenesse 2018).
À ce jour, l’influence de la danse et du théâtre sur les processus créatifs des compositeurs ayant collaboré avec ces disciplines demeure peu étudiée. Les recherches sur Aperghis se concentrent principalement sur sa manière de traiter la voix et les matériaux textuels, tandis que celles sur De Mey soulignent surtout ses créations pour le cinéma ou la danse. Cependant, peu d’études explorent l’influence de leur collaboration interartistique avec Vitez et Keersmaeker. Le présent article vise à combler cette lacune en examinant comment ces partenariats ont façonné les méthodes de travail, de création et de production de ces deux compositeurs. Il répond à la question suivante : quels sont les apports de la danse et du théâtre dans les méthodes de création musicale des deux compositeurs, et comment leurs collaborations respectives avec Vitez et Keersmaeker ont-elles influencé leurs processus créatifs dans la sphère musicale au-delà de ces projets communs ? La prochaine section présente ces artistes et caractérise leur partenariat.
Antoine Vitez et Georges Aperghis : entre la musique, le théâtre et l’absurde
Metteur en scène, acteur et pédagogue français, Antoine Vitez (1930-1990) est une figure centrale du théâtre contemporain. Il a marqué de son empreinte l’évolution du théâtre par sa vision novatrice et expérimentale, notamment en cherchant à démocratiser l’art théâtral. En 1972, Vitez fait la connaissance de Georges Aperghis, marquant le début d’une étroite collaboration. Aperghis lui-même souligne l’originalité de cette rencontre : « moi j’étais fou, parce que ce que j’essayais de faire en musique, lui il le faisait avec le théâtre » (Marcoux 2019, p. 95). Cette dernière a donné naissance à un véritable dialogue artistique, comme il en témoigne plusieurs années plus tard :
Nos univers se juxtaposaient, se questionnaient, se répondaient avec une complémentarité d’ailleurs plus intuitive que discursive, chacun d’entre nous continuait ou amorçait le travail de l’autre, chacun dans son propre domaine, nous faisions ce que nous avions envie de faire sans rester cantonné chacun dans notre domaine. Antoine pouvait tout à fait avoir une idée d’image ou une idée sonore, et ce qui était formidable c’était cette espèce de va-et-vient avec cette liberté, toujours, dans nos terrains respectifs, avec une confiance infinie (Gindt 1990, p. 130).
Nous remarquons ici un exemple notable d’un travail interartistique où chacun influence l’autre, tout en demeurant l’expert de référence dans sa propre discipline.
Vitez invite Aperghis à travailler sur une multitude de productions théâtrales entre 1973 et 1990 dont Miracles (1974), Vendredi ou la vie sauvage (1973) ou Phèdre (1975), leur permettant d’explorer de nouvelles dimensions dans la relation entre musique et texte dramatique. Dans son ouvrage Antoine Vitez : la mise en scène des textes non dramatiques (2019), Brigitte Joinnault souligne l’importance de la musique, comme élément clé de la dramaturgie du metteur en scène. Au fil d’ateliers menés pendant les productions théâtrales ou lors de stages au Festival d’Avignon entre 1972 et 1976, les deux créateurs ont exploré la musicalisation du texte avec des comédiens en s’appuyant sur l’expertise d’Aperghis et l’ouverture artistique de Vitez. Ces années de collaboration ont profondément influencé Aperghis, qui en est venu à considérer le texte comme un matériau sonore musical, en travaillant sa rythmique, ses phonèmes et sa texture vocale. Grâce à ces ateliers, les comédiens ont pu expérimenter une large palette vocale (timbres, hauteurs, rythmes, notes tenues, articulations précises) transformant ainsi la parole en un véritable outil de jeu scénique.
Nous constatons dans ce travail une grande inspiration puisée dans le théâtre de l’absurde qui rejette les conventions et déconstruit les formes classiques, ouvrant de nouvelles perspectives sur la relation entre le langage, la musique et le geste théâtral. Ce théâtre, marqué par la rupture des structures linéaires et la mise en crise du langage, reflète l’aliénation du discours. Proche ami d’Aperghis, Arthur Adamov (1908-1970), figure marquante de ce courant, perçoit la langue comme un outil oppressif et s’en détache (Esslin 1977) ; ce dernier exerce une influence manifeste chez Aperghis, qui déconstruit la langue et fragmente le discours musical pour créer des tensions entre sens et non-sens, comme on peut le voir dans une de ses œuvres phares, Récitations (1978). Il fusionne le langage parlé et musical, laissant place à l’imprévisibilité du théâtre de l’absurde (Donin 2010).
La dimension collaborative est mise en lumière dans l’ouvrage de Gindt (1990), qui souligne au passage l’humanisme d’Aperghis. Soucieux de l’apport actif des interprètes, il prête une attention particulière à leurs commentaires et ajuste volontiers son écriture en fonction de leurs singularités, dans une démarche fidèle à l’approche de Vitez. Cette méthode valorise la participation active des interprètes dans le processus de création, favorisant ainsi un climat de confiance propice à l’expression libre. Aperghis partage avec Vitez l’idée que les comédiens forment une « famille choisie » (Gindt 1990, p. 134), sélectionnée non pour leur seule capacité à incarner un rôle, mais pour leur personnalité et leur vision artistique. Tous deux privilégient l’écoute mutuelle et l’ouverture, préférant l’invention à l’imposition. Leur démarche artistique commune se caractérise ainsi par une grande souplesse et une spontanéité qui laissent une large place à la créativité des interprètes.
Anne Teresa De Keersmaeker et Thierry De Mey : entre la musique, la danse et les gestes
Anne Teresa De Keersmaeker (1960-) est une chorégraphe belge, fondatrice de la compagnie Rosas et de l’école de danse PARTS (Performing Arts Research and Training Studios) à Bruxelles. Elle est reconnue pour sa capacité à tisser des liens étroits entre la musique et la danse, créant des œuvres où les structures musicales influencent profondément la chorégraphie (Adler 2025). Les collaborations entre Keersmaeker et De Mey, notamment dans Rosas danst Rosas (1983) et Amor constante más allá de la muerte (1994), illustrent une approche de création fondée sur l’interaction étroite entre mouvement et son, où chaque discipline nourrit l’autre par le dialogue. Philippe Guisgand, dans ses publications (2007, 2012, 2017), met en évidence la richesse du travail entre la chorégraphe et De Mey, soulignant l’approche interartistique des deux artistes. Il montre comment Keersmaeker s’appuie sur les structures de la musique écrite occidentale pour élaborer une danse qui ne se contente pas d’illustrer la musique, mais qui l’interprète, la questionne et s’en inspire comme d’un savoir, tout en affirmant pleinement sa propre autonomie créative.
S’appuyant sur une expertise à la croisée du cinéma, de la composition musicale et d’une rencontre intime avec la danse depuis l’adolescence, De Mey a conçu entre 1983 et 2019 des partitions gestuelles innovantes, de Hands (1983) à Light Music (2004), culminant avec Simplexity et Timelessness, deux spectacles conçus comme des autoportraits synthétisant des décennies de recherche autour du geste. Dans son travail, le geste des interprètes devient une partie intégrante de l’écriture musicale, fusionnant musique et chorégraphie (Potapova 2016). Au fil de ses recherches et collaborations avec des musiciens et danseurs, De Mey a affiné l’écriture du geste pour les musiciens, en le rendant concret grâce à une notation innovante. Mettre des musiciens classiques en mouvement demeure un défi, car cela va à l’encontre de leurs habitudes scéniques. Les partitions de De Mey, en proposant une structure préétablie, offrent un cadre rassurant pour les musiciens auquel le compositeur adjoint une légende détaillée pour préciser les gestes à exécuter (Figure 1).
Figure 1 : Légende pour l’exécution de gestes dans la pièce Musique de table (De Mey 1987).
Les collaborations de De Mey avec Keersmaeker et d’Aperghis avec Vitez s’inscrivent dans une tradition interartistique où musique, texte et danse ne sont pas simplement juxtaposés, mais interagissent de manière organique, sans pour autant se fusionner. Notre étude explore l’influence du théâtre et de la danse sur la création musicale contemporaine, en se concentrant sur les binômes Aperghis-Vitez, ainsi que De Mey-Keersmaeker dans deux productions spécifiques. Par l’analyse des spectacles Jojo (1990) et Simplexity (2016), l’objectif est de mettre en lumière la singularité des processus créatifs d’Aperghis et De Mey, tout en identifiant les potentialités offertes par ces collaborations interartistiques pour élaborer de nouvelles méthodes de création musicale. Ces binômes illustrent la richesse et la complexité d’un dialogue entre disciplines, dépassant le simple accompagnement pour devenir un espace de transformation réciproque. La prochaine section présente les étapes qui ont permis d’analyser l’influence des interactions entre les arts sur les processus de création musicale et scénique des deux compositeurs.
Méthode
Cette étude s’est articulée autour de plusieurs étapes méthodologiques. L’accès à la documentation par le biais de sites Web, d’articles, de vidéos et d’entretiens2Les entretiens ont été réalisés selon une approche journalistique, et une certification d’éthique n’est pas requise pour cela à l’Université du Québec à Montréal. a d’abord permis d’identifier les œuvres pertinentes à étudier. Les recherches ont révélé le caractère éphémère des archives d’Aperghis, où la préservation des documents ne semble pas prioritaire, en contraste avec la méthode rigoureuse de De Mey, qui consigne chaque étape du processus créatif. Le choix des cas d’étude et la définition des catégories d’analyse ont structuré l’approche en tenant compte des spécificités de chaque spectacle et en mettant l’accent sur les rapports interartistiques entre musique, théâtre et danse.
Dans un premier temps, des recherches ont été menées en France entre 2015 et 2017 afin de documenter le travail de création d’Aperghis et de Vitez. Nous avons consulté des journaux de travail, des documents audios ainsi que des articles conservés à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC). Bien que la majorité des documents concernent Vitez en tant qu’homme de théâtre, ces archives se sont révélées cruciales pour comprendre sa relation avec Aperghis. Des recherches complémentaires ont été effectuées à l’Atelier Théâtre et Musique (ATEM), et des entretiens menés avec Antoine Gindt (2017), Philippe Minyana (2017) et Christophe Huysman (2017) ont permis de reconstituer intégralement le spectacle Jojo.
La recherche documentaire concernant De Mey a été réalisée en 2018 à l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique (IRCAM), où l’examen des entretiens entre les créateurs, des vidéos de répétitions et des documents administratifs a apporté un éclairage sur le processus créatif de De Mey pour le spectacle Simplexity (2016). Un entretien de Marcoux avec le compositeur a offert un accès privilégié à l’enregistrement vidéo intégral du spectacle ainsi qu’à ses notes de travail. Les ouvrages de Guisgand (2017, 2012, 2007) et Potapova (2016) ont également permis d’analyser la relation entre De Mey et Keersmaeker.
Dans un deuxième temps, l’analyse des partitions, des enregistrements, des notes de travail, du texte dramatique, des entretiens avec les interprètes et créateurs, ainsi que des dossiers administratifs et logistiques de Jojo et Simplexity a révélé la présence d’éléments clés, permettant de dégager ce qui apparaissait comme des particularités récurrentes et propres à leur démarche de création. Afin de valider ou d’infirmer ces premières hypothèses, nous avons étudié en parallèle d’autres productions de ces créateurs pour identifier, par comparaison, la récurrence des méthodes observées. Ces analyses comparatives ont revêtu une grande importance afin de déterminer si certaines méthodes de création et d’écriture en collectif étaient récurrentes ou non.
Chez Aperghis, les spectacles Conversations (1984), Commentaires (1996) et Énumérations (1987), ainsi que les pièces Récitations (1978), Le corps à corps (1978) et Les sept crimes de l’amour (1979) ont servi de références pour nos analyses comparatives. Chez De Mey, nous avons étudié les œuvres Hands (1982), Musique de table (1987), Light Music (2003), Light Wall System (2007) et Pièce de gestes (2008).
Pour combler des lacunes dans la documentation, vérifier notre compréhension et valider nos premières hypothèses, nous avons mené des entretiens semi-dirigés avec Aperghis et De Mey entre 2015 et 2018. Nous avons également rencontré des artistes ayant participé aux créations étudiées, tels que Sara Tan, Jérôme Comte, Frédéric Daverio, Françoise Rivalland, Richard Dubelski et Christophe Huysman, entre 2016 et 2019. Afin d’approfondir notre compréhension de l’influence de la danse et du théâtre sur les choix musicaux et structurels des spectacles, nous avons consulté des experts en danse, Denis Terrasse (2018), et en théâtre, Hugo Baker (2018).
Les résultats de ces premières investigations ont permis d’identifier les méthodes de travail spécifiques suivantes, issues de l’influence du travail en binôme sur le processus compositionnel et créatif des compositeurs que nous présenterons en détail dans les sections qui suivent :
- Les questionnements initiaux : rupture, recyclage et vocabulaire de création ;
- La tension comme principe structurant ;
- Les interprètes comme matériau de création ;
- Le triangle des fragments : 1+1=1, comme outil d’écriture ;
- L’improvisation à partir d’une partition ou d’un fragment ;
- L’improvisation sur un texte dramatique et manipulations vocales.
Nous avons procédé à une dernière phase de vérification auprès de Jean-Pierre Drouet et Jean Geoffroy, collaborateurs de longue date d’Aperghis et De Mey, afin de valider les méthodes de travail identifiées et ce, à la lumière de leurs expériences de travail respectives avec ces créateurs. Un dernier entretien avec les compositeurs (2018–2019) a permis de confirmer ou de nuancer les conclusions présentées.
Les entretiens menés avec les compositeurs et les artistes, combinés à la triangulation des analyses, ont permis non seulement de corroborer et d’affiner les résultats, mais aussi de faire émerger plusieurs éléments de réflexion sur la création artistique. Ces enjeux, qui dépassent le cadre strict de l’analyse des œuvres, seront approfondis dans la section réflexion à la fin du présent article.
Résultats
Les résultats présentés ici mettent en lumière différents processus de création artistique, dont les spécificités se manifestent à travers les tensions qu’ils suscitent et les types de collaborations qu’ils engendrent. Ils montrent comment la recherche d’un vocabulaire partagé, la mise en tension rythmique et hiérarchique, l’intégration active des interprètes ou encore l’utilisation de techniques comme l’improvisation ou la fragmentation constituent autant de moyens de création interartistique utilisés par Aperghis et De Mey.
Questionnements initiaux : rupture, recyclage et vocabulaire de création
Au début de chaque création, les artistes étudiés se confrontent à un choix : approfondir, d’une part, les idées développées dans une production antérieure, ou explorer, d’autre part, une direction totalement inédite. Chez Keersmaeker, cette tension se manifeste à la fois dans l’hésitation entre le fait de réutiliser ou de rompre avec ses méthodes de travail passées et dans le choix des matériaux artistiques, tandis que Vitez poursuit inlassablement l’approfondissement du jeu des acteurs. Influencés par ces réflexions, De Mey explore à son tour l’équilibre entre la reprise de ses démarches antérieures et leur remise en question, tandis qu’Aperghis cherche à renouveler ses matériaux à chaque création. Dans Simplexity, De Mey recycle ses idées, telles que les floor patterns, c’est-à-dire des schémas visuels tracés au sol qui structurent l’espace scénique, et l’évolution de ses pièces gestuelles, comme il nous en faisait part en 2018 :
Depuis longtemps, je voulais que toutes mes recherches, ces recherches sur le geste, sur la notation du geste, qui remontent aux années 1980, je voulais leur donner la dimension d’une pièce scénique (Marcoux 2019, p. 238).
À l’inverse, dans Jojo, Aperghis tente de rompre avec ses habitudes en explorant un texte conventionnel, tout en conservant certaines constantes, comme l’usage des onomatopées et d’une scénographie créée quasi entièrement par l’usage de boîtes.
Parallèlement, la recherche d’un vocabulaire commun est essentielle dans leur processus créatif. Keersmaeker et De Mey insistent sur l’importance des échanges approfondis entre les créateurs avant les répétitions pour établir une vision partagée de l’œuvre. De Mey applique cette méthode dans Simplexity, qu’il présente en effet comme : « un grand scénario, une histoire qu’on va développer tous ensemble, et après, chacun l’écrira à sa manière » (Marcoux 2019, p. 195). Ainsi, le dialogue et l’élaboration d’un vocabulaire partagé forment le socle de son approche, qui s’alimente d’un va-et-vient entre discussions, répétitions et interactions continues avec la danse.
La tension comme principe structurant
La relation entre les tensions rythmique, spatiale, hiérarchique et perceptive est fondamentale dans la conception d’un spectacle, car elle traverse plusieurs dimensions du processus créatif. Lorsqu’on réunit danse et musique, une divergence émerge entre fixité et mouvement : le musicien est statique, tandis que le danseur investit l’espace, la musique imposant le temps auquel la danse s’adapte. Cette dynamique révèle une tension plus profonde liée aux hiérarchies artistiques : lorsque les rôles sont figés, ces hiérarchies peuvent entrer en conflit, se heurter, voire en venir à structurer la création. Dans Simplexity, De Mey remet justement en question cette opposition en inversant les rôles : la danse structure désormais la temporalité, tandis que la musique devient un élément spatial. Il s’inscrit ainsi dans une démarche transdisciplinaire (Treille 2016), fondée sur la fusion du geste et du son, où le corps devient musique car la production sonore dépend directement du mouvement. Cette transgression des hiérarchies traditionnelles est rendue possible par le dispositif technologique Immersive Motion Sound System qui capte les mouvements corporels et les transforme en sons en temps réel. Grâce à ce système, les musiciens et danseurs peuvent générer, moduler ou déclencher des matériaux sonores directement par leurs gestes : un mouvement du bras peut par exemple faire émerger une texture rythmique, une impulsion du corps déclencher une séquence harmonique. Le geste devient ainsi un outil de composition, laissant le corps dicter le temps musical, remodelant par le fait même la relation entre mouvement et son. Par ailleurs, en explorant l’espace pour produire des sons à partir de leurs gestes, les musiciens viennent physiquement habiter l’espace scénique. Cette approche, qui place le geste au centre du processus créatif, se retrouve également dans les recherches de De Mey et Keersmaeker.
Quant à Aperghis, il conçoit ses œuvres comme des organismes en mutation, où chaque élément artistique évolue dans un jeu de dialogues et de tensions. Selon lui, la hiérarchie entre les disciplines influence la perception du public : lorsqu’un élément domine (texte, musique ou geste), il capte naturellement l’attention et façonne la perception globale du spectacle. Conscient de cette hiérarchie, Aperghis l’exploite pour enrichir son propos artistique. Dans Jojo, cette remise en question des hiérarchies traditionnelles entre texte et musique se manifeste à deux niveaux. D’une part, la musique s’affranchit du texte dans sa fonction illustrative ou narrative : elle ne vient plus soutenir un contenu verbal, mais affirme sa propre logique, créant un écart avec le sens du langage. D’autre part, le texte lui-même est traité comme matériau sonore (fragmenté, déformé, rythmé) perdant sa fonction référentielle au profit de qualités prosodiques et phonétiques. Cette double démarche rejoint ce que Roesner (2012) décrit comme un « déplacement des fonctions théâtrales » au profit de processus compositionnels unifiés. Le texte, dans cette perspective, n’est plus porteur de sens mais devient un élément parmi d’autres dans la construction d’une dramaturgie musicale. Ainsi, la tension dans Jojo naît précisément de cette coexistence entre une musique autonome et un langage souvent vidé de sa fonction sémantique, mais chargé de potentiel expressif.
Dans une création interartistique, un équilibre instable s’installe entre ces tensions, où les rôles dominants peuvent être inversés par la mise en scène, le son, la spatialisation ou l’engagement des interprètes. Ces dernières deviennent ainsi des leviers dramaturgiques, redéfinissant la place de chaque élément artistique et ouvrant de nouvelles perspectives. Chez Aperghis, la dissolution des frontières artistiques se manifeste à travers le texte, sa musicalisation et la mise en scène, notamment par l’utilisation de superpositions vocales et de changements d’intention qui créent une texture polyphonique mêlant paroles, cris, murmures et effets sonores, brouillant ainsi les limites entre le langage parlé et chanté (Conversations, 1984 ; Jojo, 1990 ; Commentaires, 1996). Chez De Mey, cette dissolution s’opère par le biais du geste et du corps, à travers la fragmentation du mouvement en séquences brèves et répétitives (Hands, 1982 ; Musique de Table, 1987), qui deviennent autant de motifs rythmiques. Chaque geste se mue alors en rythme ou en phrase musicale, influençant directement la structure sonore, jusqu’à transformer le corps en un véritable instrument de musique (Light Music, 2003).
Dans les deux cas, ces créateurs ignorent les divisions conventionnelles entre les disciplines artistiques, et intègrent texte, geste, musique et espace dans une logique interconnectée, qui nourrit leur recherche artistique et élargit les possibles de la création scénique.
Les interprètes comme matériau de création
Notre analyse montre qu’Aperghis et De Mey placent les interprètes au cœur du processus créatif. Ils considèrent leur contribution comme essentielle à l’émergence de nouveaux matériaux, ce qui rejoint certaines observations exposées dans nos travaux antérieurs (Marcoux 2019) et dans ceux de Gindt (1990). Toutefois, leurs approches respectives présentent des nuances quant à la manière d’impliquer les interprètes dans leur démarche. Chez Aperghis, la création repose sur l’accumulation et l’agencement de fragments textuels et musicaux que les interprètes font vivre par l’improvisation. Comme le souligne Jean-François Trubert, Aperghis « travaille ses comédiens à la façon d’un compositeur » (Marcoux 2019, p. 110), en orchestrant leurs propositions comme des matériaux sonores. Cette souplesse se manifeste notamment dans la création de Jojo, où il adapte le rôle d’une comédienne qui éprouvait des difficultés à manipuler les onomatopées, en l’orientant vers un personnage au discours plus fluide et conventionnel. Ce choix n’affaiblit en rien la cohérence du spectacle ; au contraire, il en révèle une nouvelle dynamique comique. Le contraste entre cette parole continue, presque rationnelle, et les interventions fragmentées, disloquées ou absurdes des autres comédiens et musiciens crée un effet de décalage saisissant, qui devient un levier humoristique.
Une telle démarche illustre deux forces à l’œuvre dans le processus de création : d’un côté, la capacité d’Aperghis à rester à l’écoute de ses interprètes, en intégrant leurs singularités dans l’élaboration de la dramaturgie ; de l’autre, la puissance créatrice de l’interprète elle-même, dont l’énergie singulière devient le matériau premier du personnage. Ce n’est donc pas le rôle imaginé par le compositeur qui prévaut, mais bien celui révélé par la présence scénique de l’actrice.
Comme le souligne Françoise Rivalland, interprète dans Jojo, Aperghis ne contraint jamais ses artistes à jouer autre chose que ce que leurs attitudes expriment, prenant en considération leurs émotions, leur lassitude et leurs conflits (Marcoux 2019, p. 126). Ce respect du vivant, de ce qui surgit sur le plateau, rejoint ce que nous avons observé plus haut : l’ouverture à l’imprévu et à l’altérité de l’interprète devient un moteur de composition. L’interprète n’est pas un simple exécutant, mais un co-créateur, dont l’énergie façonne la matière même du spectacle. Si la forme finale demeure sous le contrôle d’Aperghis, elle se construit à partir d’un dialogue constant entre son écriture et les propositions émergentes des résidences artistiques.
Chez De Mey, la collaboration se construit autour de l’écoute mutuelle entre danseurs et musiciens. Dans Simplexity, il ne fixe pas une structure préétablie, mais favorise un processus organique où la musique et la danse se développent simultanément, en interaction constante avec les gestes des interprètes. Il rejette ainsi les contraintes trop rigides, croyant qu’elles nuisent à l’inspiration créative (Marcoux 2019, p. 228). La musique, ici, naît d’un dialogue réel avec le mouvement : comme il le précise lui-même, « si je travaillais avec un autre danseur, la danse ne serait pas la même. Idem avec les musiciens » (Marcoux 2019, p. 249). Le geste, le souffle et l’élan corporel influencent directement le développement du matériau sonore, dont la forme finale reste ouverte jusqu’à son agencement. Ce processus repose sur une double dynamique : d’un côté, la liberté offerte aux interprètes d’improviser, de proposer du contenu artistique ; de l’autre, l’intervention du compositeur, qui organise ces propositions pour en extraire une structure forte et cohérente. Cette méthode, où le dialogue entre corps et son est central, rejoint en ce sens celle d’Aperghis : dans les deux cas, l’interprète est un catalyseur actif de la création, et non un simple exécutant. La musique, ici, naît d’un échange continu avec les artistes, résonnant directement avec le mouvement.
Cette proximité dans la place accordée aux interprètes révèle une vision collaborative du processus créatif. Bien que leurs méthodes diffèrent, Aperghis et De Mey partagent une conviction fondamentale : la qualité de l’œuvre dépend de la relation de confiance entre créateurs et interprètes. Aperghis affirme d’ailleurs que la composition de l’équipe représente un tiers du spectacle, soulignant ainsi l’importance décisive de cette dynamique collaborative (Marcoux 2019, p. 228). De Mey, de son côté, reconnaît la nécessité de moments de solitude pour composer, mais insiste sur le fait que l’énergie des interprètes est indispensable pour nourrir et façonner l’œuvre. Dans les deux cas, la création se construit dans un va-et-vient constant entre propositions scéniques et mise en forme, générant des matériaux artistiques imprévisibles.
Triangle des fragments, 1+1=1, comme outil d’écriture
Le triangle des fragments est une méthode de création qui consiste à assembler deux éléments disjoints (texte, son, geste, image) pour en générer un troisième, imprévu. Résumée par la formule « 1 + 1 = 1 » (Marcoux 2019, p. 101), cette approche, exploitée par Aperghis et De Mey, repose sur l’interaction de ces fragments comme un outil d’écriture générant des matériaux inattendus. Inspirée des processus observés dans leurs œuvres et nourrie par leurs propos, cette méthode théorise un principe de fusion plutôt que de juxtaposition : deux éléments, mis en relation, produisent une forme expressive nouvelle, irréductible à leurs composantes d’origine. Cette méthode, que l’on retrouve également dans les pratiques de création d’Aperghis et de Vitez, offre un moyen d’échapper aux schémas préétablis. Elle instaure une dynamique où le contenu se module par l’exploration et la découverte, laissant place à l’imprévu et à la surprise, jusqu’à l’émergence de nouveaux matériaux.
Pour en rendre compte visuellement, la Figure 2 propose un schéma triangulaire pour illustrer cette dynamique : les deux éléments initiaux, qui peuvent être un geste (1) et un son (+1), convergent vers un troisième point, le « sens émergent » (=1), résultant de leur combinaison.
Figure 2 : Schéma illustrant le triangle des fragments.
Un exemple notable apparaît dans Jojo, où les interprètes testent constamment les limites du texte conventionnel de Minyana. En confrontant ce texte (1) à des matériaux sonores, gestuels ou vocaux (+1) (onomatopées, musique, bruitages), ils génèrent de nouvelles propositions qui transforment progressivement le texte d’origine (=1). Ces agencements inattendus maintiennent le spectateur dans un état d’écoute renouvelé. Par exemple, dans Machinations (2000), Aperghis superpose un geste mécanique (tapotement sur une table ou manipulation d’un objet) à un fragment vocal abstrait. Pris isolément, chacun de ces éléments demeure ambigu. Mais leur combinaison, imprévisible, génère une figure scénique cohérente, souvent chargée d’ironie ou de tension, qui capte l’attention du spectateur autrement qu’un discours explicite ne le ferait. C’est précisément cette fusion des éléments qui renouvelle l’écoute : en brouillant les repères conventionnels, elle oblige à reconstituer le sens à chaque instant.
Chez De Mey et Keersmaeker, le principe de fragmentation s’inscrit dans une logique géométrique structurée selon un modèle triangulaire. Deux éléments initiaux sont disposés sur un axe, et leur interaction engendre un troisième élément, positionné au sommet du triangle. Ce schéma organisationnel, souvent consigné sur papier, permet une circulation dynamique des matériaux et favorise un dialogue constant entre les pôles. Cette approche est exploitée par les deux créateurs comme un processus de génération de nouveaux matériaux, parfois explicité par la représentation graphique de triangles. Dans Simplexity, De Mey explore les possibilités de rencontre entre danse et musique en engageant danseurs et musiciens dans des improvisations en face à face. Ce processus repose sur une dynamique d’interaction où le musicien rencontre le danseur (1+1), générant, au moyen de l’improvisation des matériaux auparavant inimaginés par le compositeur (=1). L’objectif est d’observer jusqu’où ils peuvent se rapprocher ou s’éloigner d’un matériau initialement proposé. Cette mise en tension entre deux éléments éloignés qui en engendrent un nouveau devient alors une force motrice génératrice de nouvelles dynamiques.
Cette méthode offre aux interprètes l’opportunité de se distancier de leur discipline et d’adopter un regard critique sur leur pratique, car l’introduction d’un troisième élément permet de déconstruire les automatismes créatifs et d’ouvrir l’espace à de nouvelles idées artistiques. C’est cette capacité à faire émerger l’imprévu qui confère à ces méthodes leur vitalité et leur pouvoir d’innovation.
Improvisation à partir d’une partition ou d’un fragment
Chez Aperghis et De Mey, l’improvisation constitue à la fois une méthode de construction et un moyen de générer du matériau artistique. Tous deux proposent aux interprètes des fragments de partitions, musicales, textuelles ou gestuelles, comme point de départ, les invitant à improviser librement autour de ces propositions, avant de s’en éloigner. Cette approche favorise une interaction dynamique entre les arts et ouvre la voie à des éléments scéniques originaux.
Dans les créations d’Aperghis, cette méthode est essentielle. Il offre aux interprètes des fragments, comme autant d’amorces créatives à transformer. L’improvisation devient un moteur dramaturgique : certains matériaux générés sont intégrés à la structure, d’autres persistent comme traces exploratoires. Cette dynamique est centrale dans Jojo, où les interprètes improvisent constamment avec des extraits du texte original de Minyana.
De Mey, quant à lui, développe cette approche dans un contexte marqué par la relation entre musique et mouvement qu’il a progressivement affinée en concevant un système de notation gestuelle servant de guide aux musiciens. Dans Simplexity, cette méthode consiste à proposer des partitions initialement très écrites, avant d’encourager les interprètes à s’en détacher pour explorer une expressivité plus intuitive. Ce processus place le geste au cœur de l’interprétation musicale, favorisant une porosité entre musique et mouvement. Dans Simplexity, l’improvisation se manifeste notamment par l’usage des floor patterns. Ces partitions spatiales, empruntées à la danse contemporaine, orientent les trajectoires des interprètes et facilitent leur immersion corporelle dans la musique. Mais ces schémas ne servent pas uniquement à guider les déplacements : en organisant le temps par le biais de l’espace, ils agissent comme de véritables partitions musicales non-conventionnelles. Ils prescrivent des intentions rythmiques, des dynamiques de jeu ou des interactions conçues pour être activées à certains points du parcours. Par conséquent, pour les musiciens, ces repères spatiaux remplacent en partie l’écriture traditionnelle et les invitent à dépasser l’exécution instrumentale pour mieux investir la scène corporellement. Du côté des danseurs, ces mêmes tracés renforcent l’interaction avec la musique, ouvrant un terrain commun où le geste devient à la fois moteur sonore et réponse chorégraphique. Ainsi, chez Aperghis comme chez De Mey, l’improvisation ne se limite pas à produire de la matière brute : elle devient un levier structurant, engageant l’interprète dans une relation active aux matériaux.
Improvisation sur un texte dramatique et manipulations vocales
Aperghis transforme la partition en un véritable outil d’innovation créative, en appliquant aux domaines du texte et de la musique des méthodes issues du théâtre comme l’éclatement, la déconstruction et le jeu. Il traite le texte non comme porteur d’un sens figé, mais comme une matière sonore à moduler, assembler et dériver, à l’image du travail d’un compositeur sur son matériau musical. Ces principes résonnent avec ceux développés par Vitez, qui, en fragmentant le texte et en variant les jeux scéniques, rompt avec les conventions théâtrales traditionnelles. Pour lui aussi, le texte devient une partition ouverte, fondée sur l’association d’idées et la liberté ludique, qu’il élabore avec les comédiens.
À l’occasion de sa collaboration avec Vitez sur Phèdre en 1975, Aperghis explore déjà les manipulations vocales comme matière musicale, une expérience qu’il intégrera bientôt dans ses créations. Dans Jojo, il déconstruit le texte linéaire de Minyana en extrayant des éléments musicaux de la voix, transformant ainsi un texte conventionnel en une œuvre musicale – ce qui exerce un impact sur la perception du public. Aperghis définit son style par « le mélange perpétuel du jeu avec les mots et les sons » (Durney 1996, p. 347), où l’interprétation des comédiens, entre énergie et improvisation, occupe une place centrale.
Les manipulations vocales dans Jojo comprennent : l’intention avant le sens, l’altération de la voix naturelle, la voix chantée, l’utilisation du souffle et des murmures, la transformation des mots en rythme, les rythmes anormaux, les changements de vitesse, les répétitions, les énumérations neutres, la superposition des voix, et les changements d’intention. Inspirées de ses années de collaborations avec les acteurs de Vitez, ces techniques perturbent le message verbal en créant des sonorités imprécises, permettant au spectateur d’en interpréter librement le sens. Dans Jojo, les onomatopées génèrent une tension sonore et émotionnelle, illustrant la manière dont Aperghis manipule la voix pour transformer l’intention dramatique, en mêlant l’abstraction et le concret, ainsi que le jeu sonore et la signification littéraire. Cette tension est renforcée, entre autres, par le travail de Christophe Huisman dans le rôle de Jojo, notamment au moyen de la répétition sous forme de bégaiement : incapable de terminer ses phrases, Jojo plonge le public dans une attente perpétuelle, suspendu à un sens qui ne se dévoile jamais pleinement. Ce procédé vocal devient alors un outil expressif à part entière, où le défaut apparent crée une dramaturgie du manque, tout en maintenant une intensité rythmique musicale. Il s’agit là d’un exemple probant de la manière dont Aperghis utilise la voix comme matériau sonore autant que comme vecteur de sens. De ce fait, le travail minutieux sur la voix, où chaque altération (bégaiement, souffle, rythme, onomatopée) devient un levier d’expressivité, témoigne de la manière dont Aperghis emploie la tension – entre ce qui est dit et ce qui est tu, entre le sens et le son ou encore entre la maîtrise du langage et sa perte – comme moteur dramaturgique.
Cette dynamique de tension constitue au demeurant l’un des principes structurants des pratiques artistiques d’Aperghis et de De Mey. Elle se manifeste par l’équilibre instable entre les disciplines, l’engagement corporel et sonore des interprètes, ainsi que les reprises et les ruptures. Les notions de vocabulaire partagé, de fragmentation et d’improvisation illustrent l’importance de l’expérimentation collective et de l’inattendu. Dans ce cadre, les interprètes jouent un rôle central, influençant directement la forme finale de chaque œuvre.
Les processus de création d’Aperghis et De Mey, bien que singuliers, partagent une même logique interartistique : ils instaurent une porosité entre les langages disciplinaires, bousculant les hiérarchies établies et invitant à reconsidérer les rôles dans le processus de création. Ces observations nous conduisent à explorer, dans la discussion suivante, les enjeux sous-jacents aux processus de création d’Aperghis et De Mey.
Réflexions pour éclairer les processus de création des créateurs à l’étude
La présente publication ouvre de nouvelles perspectives sur la création interartistique en mettant en lumière plusieurs aspects clés issus de nos recherches antérieures. S’appuyant sur la triple spécialisation des auteures comme interprètes, créatrices de spectacles interartistiques et chercheuses, notre démarche offre un cadre propice à l’élaboration d’une réflexion ancrée dans la pratique, nourrie par la confrontation entre l’expérience du processus créatif et l’analyse critique externe. Élaborées lors des pages qui suivent, les réflexions dégagées dans le cadre de notre étude portent sur : la temporalité comme enjeu central de la création, la présence continue des interprètes comme levier de cohésion artistique et la stimulation de l’imagination par l’éphémère.
La temporalité comme un enjeu dans la création
La temporalité, bien qu’elle ne soit pas une méthode de création en soi, consiste en un paramètre structurant qui influence directement la qualité artistique des œuvres. Selon les disciplines, les temporalités de création varient. En musique, les répétitions se limitent souvent à quelques heures, la partition étant finalisée en amont, alors qu’au théâtre, elles s’étendent sur plusieurs semaines, permettant une exploration plus approfondie. Par contre, en danse, le processus est plus long et implique la nécessité d’une écriture collective. Ces différences façonnent les dynamiques de production et les résultats artistiques, montrant que la temporalité joue un rôle essentiel dans le processus créatif.
Dans Jojo, la création s’est déroulée sur six mois, offrant un temps d’immersion exceptionnel et permettant une écriture continue et collective. En revanche, pour Simplexity, bien que le projet ait disposé de moyens financiers importants, le temps de répétition était contraint par les emplois du temps des musiciens de l’Ensemble Intercontemporain, ce qui a réduit leur engagement créatif et affecté la cohésion artistique. Ceux-ci, habitués à des répétitions brèves et à une partition préexistante, ont dû s’adapter à un processus long, fragmenté, et perturbé par des contraintes technologiques lourdes, réduisant ainsi leur engagement créatif et affectant la cohésion artistique du projet dans sa totalité. Cette disparité montre que le temps alloué à la création n’est pas une simple question d’organisation : il conditionne la qualité des interactions entre artistes, la capacité d’expérimentation et la cohérence du résultat artistique. Dans un contexte interartistique, un temps de création étendu est souhaitable pour atteindre une forme aboutie, bien que cela entre souvent en tension avec les standards de production musicale, où le temps est historiquement réduit.
Présence continue des interprètes : un levier pour la cohésion artistique
La présence continue des musiciens interprètes lors des résidences semble avoir contribué de manière significative à la qualité des créations analysées. Contrairement au théâtre et à la danse, où le processus de création repose sur un travail collectif prolongé, les musiciens sont généralement habitués à travailler de façon autonome sur une œuvre déjà largement composée, avant de se réunir brièvement pour en finaliser la création. Cette différence démontre l’importance, dans les projets étudiés, d’une implication plus soutenue des interprètes dans le processus créatif.
Dans Jojo, la présence ininterrompue de tous les interprètes, même lors des phases techniques, a permis une immersion totale dans le processus créatif, facilitant l’appropriation du matériau et la construction commune du langage scénique. À l’inverse, pour Simplexity, la disponibilité limitée des musiciens de l’Ensemble Intercontemporain a entravé leur implication créative, affectant la cohésion artistique. Comme le souligne De Mey (Marcoux 2019, p. 276), leurs emplois du temps chargés les ont empêchés de participer activement à la construction scénique, limitant ainsi un véritable dialogue interdisciplinaire. L’absence des musiciens lors des phases exploratoires a freiné l’intégration de la musique dans l’écosystème scénique développé avec les danseurs (Marcoux 2019, p. 277). Il apparaît donc crucial de repenser l’implication des musiciens dans les projets interartistiques en leur offrant une présence continue dès les premières étapes de création afin de garantir une véritable synergie artistique et d’éviter de réduire leur rôle à celui d’exécutants.
L’éphémère pour une imagination accrue
La notion d’éphémère chez Vitez et la manière dont Aperghis l’intègre se déclinent en deux aspects. Le premier concerne l’interprétation dans les domaines du concert et du théâtre, où l’individualité de interprètes rend chaque représentation unique. La partition musicale et le texte théâtral n’existent pleinement qu’au moment de leur exécution, à moins d’être figés par l’enregistrement. Jerrold Levinson souligne à cet effet que « les œuvres d’art sont, du point de vue ontologique, interprétatif et évaluatif, étroitement liées aux contextes dans lesquelles elles sont produites et aux intentions de leurs auteurs » (2010, p. 211). Aperghis adopte pleinement cette approche et rejette l’archivage systématique :
On joue tant que ça marche, puis on tourne la page […] mais cela va à l’encontre de notre époque, qui veut tout noter, tout écrire, tout caser. Il faut accepter la mort, c’est un peu ça, c’est le cycle qui finit, il s’en va, il reste les traces par terre, qui s’effacent et passent à autre chose (Marcoux 2019, p. 99).
Seule persiste la mémoire des témoins.
La deuxième dimension de l’éphémère, propre à Vitez, repose sur un oubli volontaire et un renouvellement constant du regard critique, une pratique difficile à instaurer en création. Il confie à Aperghis qu’il s’efforce d’effacer chaque soir le travail accompli afin d’aborder les répétitions du lendemain avec un œil neuf. Cette méthode lui permet de prendre du recul et d’éviter de se figer dans des idées qui pourraient nuire à l’évolution du spectacle. Aperghis applique cette approche à sa manière, notamment en utilisant la cuisine comme moyen de se détacher et d’oublier la journée passée (Marcoux 2019, p. 100). Ce détachement des convictions artistiques devient un atout majeur au service de la construction de l’œuvre.
Conclusion : l’évolution des rôles en musique
Les résultats présentés dans cet article reposent sur une recherche documentaire et un processus d’analyse-validation itératif. L’examen croisé des archives, des partitions, des enregistrements et des notes de travail, enrichi par plusieurs entretiens semi-dirigés avec Georges Aperghis, Thierry De Mey et leurs collaborateurs, a permis de reconstituer le processus de création des spectacles Jojo et Simplexity. Les contrastes entre l’archivage fragmentaire d’Aperghis et la méthodologie bien documentée de De Mey ont orienté l’approche comparative, nécessitant un élargissement à d’autres œuvres des deux compositeurs. Cette démarche a révélé des méthodes de travail récurrentes, directement issues de leurs années de collaborations interartistiques, telles que l’improvisation, la fragmentation et la tension comme principe structurant. L’ensemble de ces données permet d’éclairer les dynamiques interartistiques à l’œuvre, et la manière dont elles façonnent l’écriture.
L’analyse des collaborations entre Georges Aperghis et Antoine Vitez, d’une part, et Thierry De Mey et Anne Teresa De Keersmaeker, d’autre part, révèle l’impact structurant du théâtre et de la danse sur les processus de création musicale de ces compositeurs. Bien au-delà d’une simple juxtaposition entre disciplines artistiques, ces binômes ont permis l’émergence de modes d’écriture profondément transformés, intégrant des logiques issues de la scène, du corps et du texte dans la structure même de la musique.
À travers des méthodes comme la fragmentation, l’improvisation, le triangle des fragments ou la mise en tension des hiérarchies artistiques, Aperghis et De Mey ont élaboré des démarches où la musique devient un espace d’expérimentation interartistique. La composition s’y construit non plus de manière solitaire, mais dans un dialogue constant avec la danse ou le théâtre et, surtout, avec les interprètes eux-mêmes. Cette évolution redéfinit le rôle du compositeur, qui devient plus perméable aux dynamiques collectives et aux aléas du plateau.
Dans ce contexte, l’interprète, dont l’engagement, la présence continue et l’investissement créatif participent activement à la genèse de l’œuvre, devient co-créateur. La recherche d’un vocabulaire partagé, l’expérimentation comme processus créatif et la temporalité du travail sont autant d’éléments qui montrent que la création musicale se recompose au contact du théâtre et de la danse, guidée par des compositeurs valorisant l’imprévue, qu’il provoque par le choix de leurs méthodes de travail.
Ces collaborations interartistiques invitent ainsi à repenser la musique non comme un art autonome ou complémentaire, mais comme un lieu d’interactions actives, où le son dialogue avec l’image, le geste, la parole et l’espace. Ce que montrent les binômes étudiés, c’est qu’en ouvrant la musique à d’autres langages, on en renouvelle les fondements, et qu’en plaçant l’altérité au cœur du processus de création, on enrichit les formes, les outils et les horizons esthétiques.
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| RMO_vol.12.2_Marcoux et Héroux |
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Citation
- Référence papier (pdf)
Krystina Marcoux et Isabelle Héroux, « Binômes interartistiques. L’impact du théâtre et de la danse sur les méthodes de création musicale de Georges Aperghis et Thierry De Mey », Revue musicale OICRM, vol. 12, no 2, 2025, p. 239-258.
- Référence électronique
Krystina Marcoux et Isabelle Héroux, « Binômes interartistiques. L’impact du théâtre et de la danse sur les méthodes de création musicale de Georges Aperghis et Thierry De Mey », Revue musicale OICRM, vol. 12, no 2, 2025, mis en ligne le 12 décembre 2025, https://revuemusicaleoicrm.org/rmo-vol12-n2/binomes-interartistiques/, consulté le…
Autrices
Krystina Marcoux, Université du Québec à Montréal
Krystina Marcoux est une musicienne et chercheuse passionnée par la création interartistique. Lauréate du Prix Opus « Interprètes de l’année », elle mène une carrière internationale avec le duo Stick&Bow, où elle crée des spectacles alliant musique, théâtre et danse. Parallèlement, elle a obtenu son PhD au CNSMD de Lyon sur l’étude des méthodologies de création interartistique dans le spectacle vivant. Elle poursuit actuellement un postdoctorat à l’UQAM, où elle développe une méthode de création pour les interprètes souhaitant initier des projets interartistiques. Entre scène et recherche, Krystina interroge le rôle de l’interprète-créateur et enseigne les outils nécessaires aux musiciens d’aujourd’hui.
Isabelle Héroux, Université du Québec à Montréal
Isabelle Héroux est professeure titulaire de pédagogie musicale et de guitare classique au Département de musique de l’UQAM. Possédant une double formation, soit en éducation musicale et en interprétation de la guitare, elle est active dans les deux domaines. Ses recherches portent sur le développement de matériel éducatif, la pédagogie instrumentale, la recherche-création en interprétation et les processus créatifs. Elle dirige l’antenne UQAM de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM) dont elle est membre régulière.
Notes
| ↵1 | Dans cet article, l’utilisation du genre masculin a été adoptée afin de faciliter la lecture et n’a aucune intention discriminatoire. |
|---|---|
| ↵2 | Les entretiens ont été réalisés selon une approche journalistique, et une certification d’éthique n’est pas requise pour cela à l’Université du Québec à Montréal. |


