Le numérique pédagogique dans les Hautes écoles de musique de Suisse romande. Autoévaluation des compétences, Pratiques déclarées
Jérôme Albert Schumacher
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Résumé
La présente contribution fait état d’une recherche exploratoire menée conjointement par l’Institut de recherche en musique et arts de la scène (IRMAS) de la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO) et la Haute école de musique Genève-Neuchâtel (HEM Genève-Neuchâtel). Elle vise à rendre compte de l’autoévaluation des enseignant·e·s des HEM de Suisse romande au sujet de leurs compétences numériques et à analyser leurs pratiques numériques déclarées. Les résultats mettent en évidence que les enseignant·e·s s’estiment compétent·e·s dans les dimensions de la pédagogie numérique, de l’utilisation et de la production de contenus numériques. La compétence liée aux droits d’auteurs et aux licences semble toutefois être moins bien maîtrisée. Les pratiques déclarées nous indiquent que la communication se trouve grandement simplifiée avec les outils numériques et que les enseignant·e·s interrogé·e·s privilégient l’ordinateur dans leurs pratiques professionnelles, au détriment d’autres outils (tablette, téléphone intelligent).
Mots clés : éducation musicale supérieure ; littératie numérique ; numérique ; pédagogie musicale ; techniques.
Abstract
This paper presents exploratory research conducted jointly by the Institut de recherche en musique et arts de la scène de la Haute école spécialisée de Suisse occidentale and the Haute école de musique Genève-Neuchâtel. The goal of this study was to evaluate the self-assessment of teachers from the HEM (University of Music) of French-speaking Switzerland regarding their digital skills and to analyze their reported digital practices. The results highlight that teachers consider themselves competent in digital pedagogy and in the use and production of digital content. However, competence related to copyright and licensing seems less well mastered. The reported practices indicate that communication is greatly streamlined with digital tools and that the teachers surveyed favour the computer in their professional practices, to the detriment of other tools (tablet, smartphone).
Keywords: digital; digital literacy; higher music education; music pedagogy; techniques.
Introduction
L’éducation musicale, des premières leçons de solfège à la formation universitaire des musicien·ne·s, se trouve affectée par le numérique. Webster et Williams (2017) nous rappellent que le numérique met actuellement la profession d’enseignant·e de musique au défi de considérer ces outils dans des approches tant artistiques que pédagogiques. Ainsi, l’accès à des plateformes d’apprentissage en ligne (Waldron 2012a et b), à des éditeurs de partitions musicales WYSIWYG1WYSIWYG est l’acronyme anglais de What You See Is What You Get, qui signifie littéralement ce que vous voyez est ce que vous obtenez. Ce type de logiciel offre un accès intuitif aux diverses fonctionnalités et permet de mettre en page le contenu de manière plus simple, avec un nombre réduit de commandes complexes (tel MuseScore), à des logiciels d’enregistrement et de traitement de sons (ex. : Audacity, GarageBand), à des applications disponibles sur nos téléphones intelligents, aux technologies interactives et collaboratives d’Internet (Burns et al. 2017) et à tant d’autres outils modifie les pratiques pédagogiques des enseignant·e·s de musique ainsi que les habitudes de leurs élèves et étudiant·e·s. Face à l’essor du numérique musical observé ces dernières années sur le terrain et dans la littérature, il nous paraissait pertinent de demander aux enseignant·e·s des Hautes écoles de musique, chargé·e·s de former les futures générations de professionnel·le·s de la musique (musicien·ne·s d’orchestre, compositeur·rice·s, solistes, enseignant·e·s, chef·fe·s d’orchestre…), d’autoévaluer leurs compétences technopédagogiques pour ainsi mieux connaître leurs pratiques numériques déclarées. Les résultats de cette recherche exploratoire sont d’autant plus éclairants qu’aucune enquête sur les compétences numériques n’a été menée auprès de cette population.
Le contexte de la formation musicale professionnelle en Suisse romande
Le paysage des hautes écoles suisses se subdivise en trois types d’institutions : les Hautes écoles universitaires, les Hautes écoles spécialisées et les Hautes écoles pédagogiques. Les études professionnalisantes en musique se déroulent au sein des Hautes écoles spécialisées et, plus particulièrement, dans les Hautes écoles de musique, dont l’acronyme francophone retenu est HEM. Ces institutions ont été créées à partir de la deuxième moitié des années 1990. La Suisse romande (francophone) dénombre deux HEM réparties sur cinq sites : la Haute école de musique Vaud-Valais-Fribourg et la Haute école de musique Genève-Neuchâtel. Le dispositif de formation comprend une formation initiale généralisante (niveau 1er cycle), une formation professionnalisante de second cycle sanctionnée par un Master2Plusieurs orientations sont possibles : direction d’orchestre ; direction de chœur ; musique et mouvement ; accompagnement au piano ; interprétation-concert ; pédagogie instrumentale et vocale ; musique à l’école, etc., ainsi que des formations continues certifiantes3Certification d’études avancées (CAS) ; Diplôme d’études avancées (DAS) ; Master d’études avancées (MAS). Dans ce cadre, le numérique occupe une place de choix dans les plans stratégiques de ces deux institutions (HEM Genève-Neuchâtel 2023; HEM Vaud-Valais-Fribourg 2020), tant sur le plan musical que pédagogique.
Du numérique dans l’enseignement de la musique
Le terme francophone « numérique » s’impose progressivement dans tous les domaines de l’éducation. Ce dernier est ici utilisé comme synonyme du terme anglophone digital technology (Deschryver 2021). Il recouvre l’entièreté des médias, images et technologies de l’information et de la communication (autant les supports physiques que les supports en ligne). Actuellement, le recours aux outils numériques est devenu incontournable dans notre société, tant et si bien que plusieurs cantons de Suisse ainsi que des hautes écoles l’ont inscrit dans leurs plans stratégiques (Centre de compétence du numérique de la HES-SO 2021b ; Goumaz 2022 ; Haute école pédagogique du canton de Vaud 2022 ; HES-SO 2020 ; Université de Lausanne 2017). Internet à haut débit s’est clairement démocratisé et a notamment permis aux enseignant·e·s des Hautes écoles de musique et à leurs étudiant·e·s de poursuivre dans des conditions acceptables les enseignements durant les périodes de semi-confinement qu’a connues la Suisse en 2020-2021.
Bien que le numérique pédagogique scolaire fasse l’objet de nombreuses publications scientifiques notamment dans des revues spécialisées francophones (Coen 2018 ; Karsenti et al. 2020 ; Peraya et Fiévez 2022), force est de constater qu’à ce jour encore, le champ francophone des sciences de l’éducation musicale ne s’intéresse que trop peu à son impact dans les enseignements musicaux (Batézat-Batellier et Bourg 2020 ; Gonzales 2017 ; Terrien et Güsewell 2021). Les publications récentes semblent toutefois indiquer que la plupart des enseignant·e·s de musique disposeraient d’outils numériques, mais que les usages pédagogiques dans le cadre de l’enseignement seraient limités (Partti 2017). Il apparaît que ces enseignant·e·s se sentent peu confiant·e·s et compétent·e·s pour intégrer le numérique dans leurs pratiques pédagogiques (Calderon-Garrido et al. 2020 ; Gall 2017 ; Hitchcock 2017 ; Partti 2017 ; Ruiz 2020 ; Savage 2007 ; Sirois et Després 2019). Ce manque de confiance (tant sur le plan technologique que pédagogique) les amènerait à adopter une posture de résistance face à cette innovation (Achieng’ Akuno et Otoyo Ondieki 2017 ; Gonzales 2017 ; Webster et Williams 2017). On observe donc une fracture entre des acteur·rice·s pédagogiques qui privilégient un enseignement traditionnel et d’autres qui embrassent un renouveau pédagogique (Sirois et Després 2019).
Il serait cependant erroné de penser que les enseignant·e·s de musique ne recourent nullement aux technologies numériques. En effet, la plupart d’entre eux·elles utilisent le numérique pour réaliser des tâches administratives ou organisationnelle, pour la préparation des cours ou encore pour communiquer avec leurs étudiant·e·s (Schumacher 2016). Ces enseignant·e·s utiliseraient par contre de manière peu adaptée ces technologies dans un cadre pédagogique (Calderon-Garrido et al. 2020 ; Chrysostomu 2017 ; Gonzales 2017 ; Partti 2017 ; Ruiz 2020 ; Savage 2007).
Des compétences numériques
Pour Vuillet et Périsset (2021), « avoir des compétences signifierait être capable d’agir de manière adéquate dans une famille de situations déterminées par un contexte social ou professionnel donné, et ce, en mobilisant les ressources reconnues comme nécessaires » (p. 30). À cette définition, volontairement large, mais trouvant consensus dans le champ des sciences de l’éducation, on peut ajouter la notion de transfert d’une situation contextualisée à une autre, où la simple reproduction de mécanismes ne suffirait pas (Jelmam 2012 ; Périsset et Lussi Borer 2012) ; le sujet réinvestit plutôt ses acquis dans une nouvelle situation se présentant à lui (Perrenoud 1997).
La littérature scientifique actuelle reconnaît qu’être compétent·e dans le domaine numérique dépasse de beaucoup l’usage et la maîtrise d’outils informatiques et technologiques (Bancal et Dobaire 2022 ; Centre de compétence du numérique de la HES-SO 2021a; Tremblay et Poellhuber 2022a et b). Il est attendu que l’individu puisse répondre à des tâches complexes en développant des stratégies de résolution personnelles qui vont l’amener à mobiliser des connaissances, des capacités et des attitudes (Jelmam 2012). Être compétent·e dans le domaine numérique s’apparente aussi à la maîtrise de soft skills en lien avec la collaboration, la communication, la résolution de problèmes, ainsi qu’au développement de sa pensée critique et/ou de sa créativité (Tremblay et Poellhuber 2022b).
Pour mesurer les compétences numériques des enseignant·e·s de musique des HEM romandes, nous avons opté pour un outil d’autoévaluation en ligne. TET-SAT4Technology Enhanced Teaching – Self Assessment Tool.a été développé par l’Union européenne pour proposer aux enseignant·e·s un outil d’autoévaluation des compétences technopédagogiques (Abbiati et al. 2018). Il est divisé en quatre dimensions : 1) la pédagogie numérique ; 2) l’utilisation et la production de contenus numériques ; 3) la communication et la collaboration numérique et ; 4) la citoyenneté numérique. Basé sur la forme de vignettes de situations (Bateman 1998), l’outil demande à l’utilisateur·rice de prendre connaissance de cinq déclarations (présentées dans un ordre aléatoire) et de choisir celle qui est la plus ressemblante à la situation actuellement vécue. La figure 1 présente une vignette de situation extraite de l’outil. Chacune de ces déclarations représente un niveau de compétence (niveau 1 : novice ; niveau 2 : débutant·e ; niveau 3 : compétent·e ; niveau 4 : performant·e ; niveau 5 : expert·e) (Abbiati et al. 2018). Nous présentons dans la section « Outil de mesure en ligne » les adaptations effectuées à la situation de l’enseignement professionnel de la musique en Suisse romande.
Figure 1 : Exemple d’une vignette de situation (pédagogie numérique).
Questions de recherche
Nos questions de recherche sont les suivantes :
- Comment les enseignant·e·s des HEM romandes autoévaluent-ils·elles leurs compétences numériques ?
- Quelles sont les pratiques numériques déclarées par ces enseignant·e·s de musique des HEM romandes ?
Méthode
Ce travail de recherche adopte une approche méthodologique quantitative (outil de mesure en ligne) et qualitative (entretiens semi-dirigés)5Le présent travail répond aux exigences et aux normes éthiques prônées par l’Académie suisse des sciences, reprises par la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO) : la fiabilité, l’honnêteté, le respect et la responsabilité (plus d’informations sont disponibles sur ce site..
Outil de mesure en ligne
Un questionnaire d’autoévaluation des compétences numériques en ligne a été distribué aux enseignant·e·s de musique des deux HEM de Suisse romande. Nous nous sommes basés sur l’outil TET-SAT (Abbiati et al. 2018) précédemment présenté. Un travail d’adaptation à la situation particulière de l’enseignement supérieur de la musique en Suisse romande a toutefois été nécessaire. Treize items et trois dimensions ont été retenus et adaptés. Ce nécessaire travail d’élagage a été imposé par deux injonctions. Il fallait, premièrement, que les différents items soient directement et aisément transposables à la situation particulière de l’enseignement de la musique dans les HEM de Suisse romande et, deuxièmement, que le questionnaire puisse être complété en trente minutes maximum. Les trois dimensions retenues sont 1) la pédagogie numérique ; 2) l’utilisation et la production de contenus numériques et ; 3) la citoyenneté numérique. La figure 2 présente l’adaptation de l’outil. Nous avons volontairement écarté la dimension traitant de la communication et de la collaboration numériques, car cette dernière a été abordée plus en détails dans le cadre des entretiens semi-dirigés. L’adaptation de l’outil a été déposée sur trois plateformes numériques (GoogleDrive, Responter et Office 365). Les données brutes ont été exportées et traitées sous format Excel. Des statistiques descriptives (fréquences, modes, médianes, moyennes et écarts-types) ont été calculées.
Figure 2 : Adaptation de l’outil TET-SAT.
Entretiens semi-dirigés
La partie qualitative de la recherche repose sur la réalisation d’entretiens semi-dirigés (Lamoureux 2006 ; Quivy et Van Campenhoudt 2006). Afin de préserver la spontanéité des réponses, le protocole n’a pas été communiqué aux participant·e·s en amont. Tous les entretiens ont été menés en ligne à l’aide de GoogleMeet et ont fait l’objet d’un enregistrement, après obtention du consentement de chacun·e des enseignant·e·s. Les verbatims ont ensuite été produits grâce à l’application Aiko, puis soumis à une analyse de contenu (Bardin 2007). Pour traiter et analyser les données qualitatives ainsi recueillies, deux outils ont été mobilisés : Voyant-Tools et MAXQDA 2020. Le principal objectif de ce volet était de récolter les pratiques numériques déclarées des enseignant·e·s.
Population
Le volet de la recherche quantitative visait à toucher le plus d’enseignant·e·s de musique impliqué·e·s dans les différentes tâches d’enseignement au sein des deux HEM de Suisse romande. Le taux d’engagement de ces personnels académiques étant très variable, une partie non négligeable d’entre eux est engagée à un temps très partiel (20 % et moins620 % représente environ 8 heures hebdomadaires de travail.). Nous avons contacté au total 361 personnes par l’entremise de leur courrier professionnel. Après plusieurs relances, nous avons obtenu un taux de réponse de 9,14 %. Nous expliquons ce faible taux de retour par deux hypothèses principales : 1) le taux d’engagement globalement bas des personnels académiques au sein des HEM qui, pour la grande majorité, développent une ou plusieurs activités professionnelles en parallèle (enseignement en école de musique, concertiste, musicien·ne d’orchestre, chef·fe de chœur ou d’orchestre, etc.) et qui peinent à s’identifier à l’institution et ; 2) la crise sanitaire que le monde a traversée depuis le printemps 2020 et qui a demandé à tou·te·s les enseignant·e·s de travailler de façon prolongée avec les technologies numériques (d’où une certaine lassitude à travailler avec ces outils). Nous avons toutefois décidé de traiter les données, car elles représentent une première indication de l’autoévaluation des compétences numériques des enseignant·e·s des HEM romandes, donnée qui n’avait jamais fait l’objet d’une quelconque mesure.
Pour la partie qualitative, nous nous sommes entretenus avec six enseignant·e·s des deux institutions romandes déclarant posséder des expériences et des compétences bien différentes dans l’utilisation des outils numériques. Ces enseignant·e·s ont été sélectionné·e·s selon leur intérêt manifesté dans l’outil de mesure en ligne et par cooptation. Nous avons veillé à nous entretenir avec des personnes des deux genres et enseignant diverses disciplines du curriculum d’études en musique (instrument, didactique, composition, etc.). Les rencontres ont été organisées en parallèle de la passation du questionnaire en ligne et ont duré 60 minutes en moyenne.
Présentation des résultats
Autoévaluation des compétences numériques
Les enseignant·e·s des HEM romandes se répartissent dans deux niveaux de compétences pour les trois dimensions retenues dans notre outil de mesure en ligne. Elles et ils s’autoévaluent « débutant·e·s » (niveau 2) pour la dimension de la citoyenneté numérique alors que les scores indiquent un niveau « compétent » (niveau 3) pour les dimensions liées à la pédagogie numérique et à l’utilisation et l’évaluation des informations numériques. Regardons d’un peu plus près chacune de ces dimensions.
- Première dimension : la pédagogie numérique
La pédagogie numérique représente la dimension centrale de cette recherche. Les enseignant·e·s s’autoévaluent « compétent·e·s » (niveau 3) pour les compétences constitutives de la dimension suivante :
- comprendre l’utilisation du numérique pédagogique dans l’éducation musicale supérieure ;
- créer des activités d’apprentissage attrayantes avec le numérique ;
- planifier, utiliser et évaluer des outils numériques à intégrer dans le processus d’enseignement-apprentissage ;
- intégrer le numérique dans les travaux ou les approches interdisciplinaires ;
- concevoir des activités personnalisées pour les étudiant·e·s ;
- mettre en œuvre des méthodes d’enseignement numérique soutenant la réflexion dans les apprentissages ;
- utiliser des environnements numériques de travail et des outils web (enseignant·e et étudiant·e) ;
- développer, mettre en œuvre et refondre des stratégies d’enseignement-apprentissage avec le numérique.
Alors que la compétence récoltant le meilleur score est essentiellement d’ordre conceptuelle (Comprendre l’utilisation du numérique pédagogique dans l’éducation musicale supérieure), les sept autres compétences font directement référence à la mise en pratique d’outils numériques sur le terrain. Il est donc réjouissant de constater que le recours au numérique dans le cadre des enseignements est une compétence qui semble acquise par la plupart des répondant·e·s.
Une autre compétence atteint le niveau « débutant » (niveau 2). Cette dernière (Mettre en œuvre des méthodes d’enseignement soutenant les étudiant·e·s dans leur réflexion sur leurs apprentissages grâce à l’utilisation du numérique) nécessite une plus importante expertise tant pédagogique que technologique.
Finalement, la compétence liée à l’évaluation par l’entremise d’outils numériques (Utiliser et adapter les outils d’évaluation numériques pour soutenir différents types d’évaluations) est autoévaluée au niveau « novice » (niveau 1). À ce sujet, l’évaluation en milieu musical, et plus généralement dans le domaine des arts connaît son propre fonctionnement et n’est pas « encline à fournir les clés de son fonctionnement » (Mili 2017, p. 77) tant ses pratiques sont diverses selon les situations d’enseignement, les institutions, les enseignant·e·s ou les instruments (Héroux et Lambert-Chan 2017).
- Deuxième dimension : l’utilisation et la production de contenus numériques
Deux compétences ont été évaluées. Il s’agit de : 1) identifier et évaluer des informations numériques et ; 2) identifier, utiliser et adapter des ressources numériques. La première compétence se réfère au niveau d’aisance perçu par l’enseignant·e quand il s’agit de rechercher et d’évaluer des ressources en ligne pouvant servir à ses enseignements. La seconde, quant à elle, évalue avec quelle aisance les enseignant·e·s utilisent et/ou adaptent les ressources numériques pour leurs étudiant·e·s. Pour ces deux compétences, les enseignant·e·s s’autoévaluent comme « compétent·e·s » (niveau 3).
- Troisième dimension : la citoyenneté numérique
Une seule compétence a été évaluée dans cette dimension. Il nous paraissait pertinent d’obtenir une autoévaluation des enseignant·e·s au sujet de leur maîtrise des droits d’auteur et de licences. Cette thématique est actuellement traitée et vulgarisée pour les universitaires (voir à ce sujet Favre et Germond 2018), car elle se profile comme étant de plus en plus nécessaire dans l’exercice pédagogique quotidien. La formation supérieure à la musique est aussi concernée par cette thématique, et ce, d’autant plus qu’un·e musicien·ne, dans ses activités d’interprète et/ou de compositeur·rice, devrait à notre avis pouvoir être à même de protéger son travail et celui d’autrui. Globalement, cette compétence est la moins bien évaluée par les répondant·e·s qui s’estiment être débutant·e·s (niveau 2). Notons que, contrairement aux autres évaluations, cette compétence est celle qui présente le plus grand empan, puisque nous dénombrons, certes, une majorité de « novices » (niveau 1), mais aussi un grand nombre de « compétent·e·s » (niveau 3) et quelques « expert·e·s » (niveau 5).
- Compétences numériques et branche d’enseignement
Nous avons subdivisé la population des répondant·e·s en deux catégories : 1) l’enseignement de branches théoriques et 2) l’enseignement de l’instrument. Les branches théoriques (ex. : harmonie, contrepoint, didactique, sciences de l’éducation, histoire de la musique, analyse, etc.) ont la particularité d’être enseignées à des groupes d’étudiant·e·s alors que l’enseignement de l’instrument privilégie encore le cadre individuel sous la forme du préceptorat (Héroux et Lambert-Chan 2017). Il est dès lors possible que, face à des interactions aussi différentes (un·e professeur·e enseignant à un groupe d’étudiant·e·s ; un·e professeur·e se trouvant seul·e avec son étudiant·e), la relation au numérique puisse être différente.
Les enseignant·e·s des branches théoriques s’autoévaluent plus positivement dans sept des dix compétences liées à la dimension de la pédagogie numérique. Leurs scores sont aussi plus élevés pour les deux compétences de la dimension liée à l’utilisation et à l’évaluation des informations numériques et pour celle en lien avec la citoyenneté numérique. Elles et ils s’autoévaluent comme bien plus performant·e·s que leurs collègues pour la compétence « Créer des activités d’apprentissage attrayantes avec le numérique » (Figure 3), qui est liée à la dimension de la pédagogie numérique.
Figure 3 : Autoévaluation de la compétence « Créer des activités d’apprentissage attrayantes avec le numérique ».
Usage numérique, pratiques déclarées
Les enseignant·e·s de musique ayant répondu aux entretiens semi-directifs proviennent des deux HEM de Suisse romande. Elles ou ils dispensent des cours dans les différents domaines de la formation des musicien·ne·s : enseignement instrumental (c’est-à-dire cours d’instrument, musique de chambre, etc.) ou enseignement des branches théoriques (soit la composition, l’analyse, la didactique instrumentale ou vocale…). Tou·te·s déclarent recourir régulièrement aux outils numériques, tant dans leurs pratiques privées que pédagogiques. L’analyse des entretiens nous a permis de créer les catégories présentées ci-dessous.
- Le numérique, outil de communication
Pour les enseignant·e·s interrogé·e·s, le numérique représente un outil favorisant grandement la communication avec leurs collègues et leurs étudiant·e·s. Les principaux supports utilisés sont les suivants : courriel, forum de nouvelles sur un environnement d’apprentissage en ligne (ex. : Moodle) ou encore applications de messagerie instantanée (comme WhatsApp, Telegram, SMS, etc.).
L’enseignant 2 (E2) trouve un intérêt à coupler communication et tâches à réaliser via l’environnement d’apprentissage en ligne Moodle alors que sa collègue (E5) est certaine de toucher tou·te·s ses étudiant·e·s en communiquant par l’entremise de l’application de messagerie WhatsApp :
Ce que je trouve pratique, c’est de donner une consigne sur Moodle aux étudiant·e·s. Tout le monde a accès en même temps à la même information et je peux créer des liens pour qu’ils se repèrent facilement sur la page. (E2)
L’avantage avec WhatsApp, c’est que tou·te·s mes étudiant·e·s l’utilisent. J’ai créé un groupe d’utilisateur·rice·s et je leur communique des informations et des rappels. Certain·e·s d’entre eux·elles m’envoient des vidéos ou me posent des questions. (E5)
Même les enseignant·e·s un peu plus réticent·e·s à l’utilisation d’outils numériques dans leurs pratiques reconnaissent l’apport de ces derniers pour communiquer :
Généralement, je fais assez peu de choses sur Internet, car je m’en méfie comme de la peste, mais je reconnais que les outils de communication sont un atout appréciable. (E4)
- Le numérique, personnifié par l’ordinateur
Même si l’ensemble des répondant·e·s déclarent posséder et travailler avec plusieurs outils numériques (tablette, ordinateur portable ou de bureau, téléphone intelligent), l’ordinateur s’impose comme étant l’outil numéro un dans la pratique enseignante. Les autres outils serviraient plutôt à d’autres types de tâches (la gestion de l’agenda arrivant en tête de liste).
Pour la majorité des répondant·e·s, les principaux usages de cet outil polyvalent sont :
- la navigation sur Internet pour chercher du contenu en lien avec les enseignements, se documenter, s’informer, apprendre (E1 ; E2 ; E3 ; E4 ; E5 ; E6) ;
- le travail de bureau pour rédiger des documents et créer des présentations (E1 ; E2 ; E3 ; E5 ; E6) ;
- la communication avec l’institution, les collègues, les étudiant·e·s (E1 ; E2 ; E3 ; E4 ; E5 ; E6) ;
- le multimédia essentiellement pour écouter de la musique (E1 ; E2 ; E3 ; E4 ; E5 ; E6) ;
- le télétravail pour enseigner à distance (si la situation l’oblige) et participer à des séances avec des collègues (E1 ; E2 ; E3 ; E5 ; E6) ;
- le stockage et la gestion des données : partitions, articles scientifiques, enregistrements audio et vidéo (E1; E2 ; E3 ; E5 ; E6).
Ces usages, bien qu’intéressants, peuvent apparaître comme fondamentaux. Un répondant (E3) va cependant plus loin dans l’exploitation de la machine et notamment dans le domaine de la modélisation et de l’organologie. Cet enseignant, qui bénéficie d’une formation dans le domaine de l’ingénierie, modélise d’anciens instruments et les réalise à l’aide d’une imprimante 3D.
Quelles sont les représentations des répondant·e·s au sujet de l’ordinateur ? Pour une partie, cette machine fait partie intégrante de leur métier :
L’ordinateur est une prothèse que j’ai toujours avec moi, c’est l’ultime outil […] l’ordinateur, c’est un progrès terrible, fantastique pour travailler à la maison. (E1)
C’est vraiment quelque chose qui fait partie de mon quotidien. (E3)
N’importe quel compositeur, à n’importe quelle époque, aurait rêvé de ça. (E6)
Pour d’autres, l’ordinateur est venu se greffer à des pratiques existantes sans forcément que ce soit un souhait de l’enseignant·e. On fait avec, car on sait qu’on ne peut pas aller contre, tout en espérant que cela ne prenne pas trop de temps :
J’utilise l’ordinateur pour autant que ce soit, je dirais quand même, au bout du processus, simple d’utilisation. (E2)
Avec mon ordinateur, je regarde des émissions sur Internet, car je n’ai pas de télévision à la maison […] j’aimerais pouvoir perdre moins de temps en cherchant comment faire les choses. (E4)
C’est une chose qui, normalement, m’énerve de manière assez magistrale, mais on ne peut pas rester ancré dans des positions qui sont complètement indéfendables. (E5)
J’ai une certaine résistance, même si je pourrais faire mieux. (E6)
- Le numérique, pour commencer à hybrider les enseignements
La démocratisation des outils numériques permettrait aux enseignant·e·s interrogé·e·s de penser différemment leur action pédagogique, notamment en hybridant leurs enseignements. Pour Ramillon (2021), l’hybridation présente de multiples facettes :
- une multiplicité des formes d’enseignement ;
- une flexibilisation des apprentissages rendue nécessaire par la mobilité et la provenance des apprenant·e·s ;
- une multiplicité des pratiques numériques des publics concernés ;
- une acquisition de compétences multidimensionnelles augmentées par les apports des technologies (p. 136-137)
Regardons d’un peu plus près quelques pratiques d’hybridation évoquées par les répondant·e·s. E2 (enseignant de didactique instrumentale) exploite l’environnement d’apprentissage Moodle pour indiquer à ses étudiant·e·s les principales orientations de son cours ainsi que les travaux attendus. Cette plateforme représente aussi le moyen de partager des fichiers (comme des vidéos, des lectures, etc.) et d’organiser les aspects pratiques et logistiques de la formation (c’est-à-dire l’échéancier, la localisation de la salle de cours, l’organisation générale, etc.). Pour E2, travailler avec ce dispositif permet aussi de s’assurer que tout le monde a reçu l’information :
Moodle me permet de me protéger car, comme tout est disponible en ligne, les étudiant·e·s ne peuvent pas dire que tel sujet n’a pas été abordé. (E2)
La caractéristique de l’hybridation conçue par E5 (enseignante de didactique instrumentale) réside dans l’individualisation des rétroactions qu’elle offre à ses étudiant·e·s. Ces dernier·ère·s sont invité·e·s, entre deux cours, à lui envoyer des vidéos des leçons données à leurs propres élèves. L’enseignante peut alors leur envoyer un retour didactique, faire des liens avec les sujets abordés en cours ou leur proposer des lectures d’approfondissement. Cela représente un avantage indéniable pour E5 qui enseigne dans plusieurs institutions et peine à se libérer à une date précise pour effectuer une visite de stage. De plus, ce dispositif a le mérite de prendre aussi en compte l’organisation personnelle de l’étudiant·e (à savoir les horaires de cours, les lieux d’enseignement, etc.). E5 souhaite aller plus loin dans l’hybridation de ses enseignements puisqu’elle prévoit d’organiser une classe de maître qui se déroulerait à distance.
Pour E1 (enseignant d’instrument), le projet d’hybridation s’est développé par une observation personnelle. Cornettiste, cet enseignant avoue avoir souffert de nombreuses années d’une grande solitude dans le travail personnel de l’instrument :
J’ai souffert pendant des dizaines d’années de jouer tout seul à la maison et de ne pas pouvoir entendre les accompagnements, jouant de la musique du XVIe siècle […]. Cela nous demande d’avoir des standards, d’entendre des standards joués de manière assez neutre pour permettre des tas de choses. Donc là, la neutralité sonore musicale de l’ordinateur, moyennant qu’on arrange un peu les sons, notamment en termes de tempérament, en termes aussi de diapason, est intéressante. (E1)
Il partage donc avec ses étudiant·e·s des milliers de fichiers audio réalisés par lui-même et disponibles en ligne pour le travail individuel de l’instrument. Cependant, l’outil utilisé par E1 (l’ordinateur) et sa logique utilisatrice n’est pas forcément en adéquation avec les outils utilisés actuellement par ses étudiant·e·s (le téléphone intelligent dans la majorité des cas). Les deux parties recourent bel et bien à des outils numériques, mais comme ces derniers sont différents, il semble difficile pour un·e étudiant·e d’explorer les arborescences d’un infonuagique, le format de l’outil et son ergonomie compliquant grandement les choses.
Synthèse et discussion des résultats
Les enseignant·e·s des HEM romandes s’autoévaluent globalement compétent·e·s pour intégrer le numérique dans leurs pratiques professionnelles. Deux dimensions testées placent les enseignant·e·s au niveau 3 (compétent·e·s). Il s’agit de la dimension « pédagogie numérique » et « utilisation et production de contenus numériques ». La dimension « citoyenneté numérique », et plus particulièrement la compétence liée aux droits d’auteurs et aux licences se situe, quant à elle, au niveau 2 (débutant·e). Ce manque de connaissance de la législation traitant des droits d’auteur et des licences n’est pas isolé et a déjà été relevé dans la littérature, notamment auprès de futur·e·s enseignant·e·s (Dumouchel et Karsenti 2013). Nous voyons dans ce résultat une opportunité pour les HEM romandes de mieux former leur personnel à ces questions sensibles, comme cela a déjà été réalisé dans d’autres institutions de formation de niveau universitaire (Haute école fédérale en formation professionnelle 2024).
La branche d’enseignement semble avoir un impact sur les réponses. Ainsi, les enseignant·e·s des branches théoriques autoévaluent leurs compétences technopédagogiques comme étant meilleures dans 11 des 13 compétences mesurées. Cela n’est guère étonnant si l’on considère que l’enseignement des branches théoriques se déroule essentiellement en collectif et que le numérique peut être intégré dans la planification de l’enseignant·e comme un outil au service de l’enseignement-apprentissage (outil de différenciation, de communication, etc.). L’enseignement de l’instrument, quant à lui, est encore grandement influencé par l’approche triangulaire Professeur·e – Étudiant·e – Savoir (Houssaye 2005) et son héritage pédagogique (Mili et al. 2017). L’enseignement de l’instrument peut ainsi être encore envisagé sans compétence numérique particulière, puisque l’enseignant·e est en attente des propositions musicales de son étudiant·e pour entrer dans une relation d’enseignement-apprentissage.
L’analyse des entretiens semi-directifs nous a permis de mettre en évidence que les enseignant·e·s et leurs étudiant·e·s utilisent des outils numériques différents. En effet, les enseignant·e·s valorisent l’ordinateur comme principal outil de travail. Selon leurs dires, peu d’étudiant·e·s utilisent cette machine, lui préférant la tablette, mais surtout le téléphone intelligent. Sur le papier, rien n’empêche un·e utilisateur·trice de téléphone intelligent d’accéder à des données stockées dans un infonuagique ou sur un environnement d’apprentissage en ligne. Des applications à l’ergonomie repensée permettent même d’y accéder en garantissant un certain confort lors de la consultation. En pratique, il est compliqué pour un·e étudiant·e de prendre connaissance d’un article scientifique sur un écran de six pouces ou de consulter et de télécharger des fichiers pour préparer un cours. Cet usage est relevé par E1 qui ne comprend pas pourquoi ses étudiant·e·s ne recourent pas plus à l’ordinateur :
Les étudiants utilisent très peu ça… très, très peu. Donc des fois je me fâche un peu […]. Ils dépensent 500-600 euros pour des smartphones, mais pour ce prix-là, on a un super PC et c’est un outil de travail. (E1)
Les deux parties recourent donc à des outils numériques différents, mais peinent à se retrouver car leur logique utilisatrice, elle aussi, est différente. Cette situation amène à une fracture numérique que nous pourrions qualifier de matérielle. Les pratiques autour du numérique se trouvent influencées et affectées par le matériel (hardware) favorisé par les deux parties.
Finalement, la communication semble être maîtrisée par tou·te·s les répondant·e·s. Que ce soit par courriel, clavardage ou via un forum de nouvelles, chaque enseignant·e interrogé·e constate que le numérique favorise la diffusion de l’information et la rapidité de la communication. Même les enseignant·e·s apparaissant comme plus réticent·e·s aux outils numériques (E4 et E5) lui reconnaissent un apport indéniable. La recherche nous informe que la communication est l’une des premières modifications durables observées dans l’intégration pédagogique des outils numériques (Partti 2017). Mais l’immédiateté de la communication connaît aussi son revers de la médaille, comme le relève E5. Cette enseignante a encore actuellement de la peine à gérer le flux de communication avec ses étudiant·e·s et avoue volontiers que cette pratique peut devenir chronophage.
Nous assistons aussi à quelques essais d’hybridation des enseignements. Certain·e·s enseignant·e·s, en adaptant leurs pratiques dans l’espace et le temps, prennent en considération la réalité de leurs étudiant·e·s (disponibilité horaire, lieu d’enseignement, etc.).
En conclusion
Bien que la présente étude ait enregistré un taux de réponse modeste (9,14 % pour le questionnaire) et qu’elle se fonde sur un nombre restreint de participant·e·s aux entretiens semi-dirigés (6 enseignant·e·s), elle visait à évaluer les compétences technopédagogiques perçues des enseignant·e·s des HEM romandes et à analyser leurs pratiques numériques déclarées. Les résultats montrent que, dans l’ensemble, les enseignant·e·s ayant répondu au questionnaire s’estiment compétent·e·s pour intégrer les outils numériques à leurs pratiques, même si certaines variations apparaissent selon les dimensions étudiées (la branche d’enseignement, notamment). Ce constat s’éloigne des conclusions de plusieurs travaux antérieurs (Achieng’ Akuno et Otoyo Ondieki 2017 ; Calderon-Garrido et al. 2020 ; Gall 2017 ; Gonzales 2017 ; Hitchcock 2017 ; Partti 2017 ; Ruiz 2020 ; Savage 2007 ; Sirois et Després 2019 ; Webster et Williams 2017), mais rejoint davantage les observations recueillies lors de la pandémie de COVID-19, où l’enseignement à distance a favorisé « une curiosité et une appétence nouvelles de certains enseignants pour les outils numériques » (Terrien et Güsewell 2021, p. 147). Les entretiens semi-dirigés confirment d’ailleurs cette tendance, puisque plusieurs participant·e·s ont décrit des évolutions similaires durant cette période.
Les répondant·e·s estiment avoir une bonne maîtrise des compétences liées à la pédagogie numérique et à l’utilisation et l’évaluation des informations numériques. Cependant, la compétence en matière de citoyenneté numérique, notamment la maîtrise des droits d’auteur et des licences, est perçue comme plus faible, soulignant un besoin de formation supplémentaire dans ce domaine.
La recherche qualitative a révélé une diversité d’usages et de perceptions parmi les enseignant·e·s interrogé·e·s, avec une utilisation majoritaire de l’ordinateur par rapport à d’autres dispositifs comme les tablettes et les téléphones intelligents. Une préférence qui se distingue de celle des étudiant·e·s et crée une fracture numérique d’ordre matériel, influençant notamment les pratiques pédagogiques. Sur le plan de la communication, les outils numériques ont été largement adoptés, facilitant la rapidité et la diffusion de l’information. Cependant, cette immédiateté a aussi engendré des défis, notamment en termes de gestion du flux de communication, pouvant devenir chronophage.
Enfin, l’hybridation des enseignements, bien que limitée, montre des tentatives d’adaptation des pratiques pédagogiques aux réalités des étudiant·e·s. Il est essentiel, pour les enseignant·e·s, de poursuivre les efforts pour intégrer les outils numériques de manière équilibrée et efficace dans les pratiques pédagogiques et, pour les institutions, d’offrir des formations continues sur les compétences moins maîtrisées comme les droits d’auteur et les licences. Malgré les limites inhérentes au faible taux de réponse et au nombre limité d’entretiens, ces constats ouvrent des perspectives sur l’importance d’un accompagnement institutionnel renforcé pour soutenir le développement et la mise en pratique des compétences technopédagogiques.
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Citation
- Référence papier (pdf)
Jérôme Albert Schumacher, « Le numérique pédagogique dans les Hautes écoles de musique de Suisse romande. Autoévaluation des compétences, Pratiques déclarées », Revue musicale OICRM, vol. 12, no 1, 2025, p. 82-99.
- Référence électronique
Jérôme Albert Schumacher, « Le numérique pédagogique dans les Hautes écoles de musique de Suisse romande. Autoévaluation des compétences, Pratiques déclarées », Revue musicale OICRM, vol. 12, no 1, 2025, mis en ligne le 13 mai 2025, https://revuemusicaleoicrm.org/rmo-vol12-n1/numerique-pedagogique-hautes-ecoles/, consulté le…
Auteur
Jérôme Albert Schumacher, Haute école pédagogique du canton de Vaud et Haute école de musique Genève-Neuchâtel
Jérôme Albert Schumacher est responsable adjoint de la Filière Enseignement secondaire 1 auprès de la Haute école pédagogique du canton de Vaud, à Lausanne (Suisse) et chercheur à la Haute école de musique Genève-Neuchâtel. Il s’intéresse depuis de nombreuses années aux questions liées à l’intégration des outils numériques dans le cadre de l’enseignement musical.
Notes
↵1 | WYSIWYG est l’acronyme anglais de What You See Is What You Get, qui signifie littéralement ce que vous voyez est ce que vous obtenez. Ce type de logiciel offre un accès intuitif aux diverses fonctionnalités et permet de mettre en page le contenu de manière plus simple, avec un nombre réduit de commandes complexes |
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↵2 | Plusieurs orientations sont possibles : direction d’orchestre ; direction de chœur ; musique et mouvement ; accompagnement au piano ; interprétation-concert ; pédagogie instrumentale et vocale ; musique à l’école, etc. |
↵3 | Certification d’études avancées (CAS) ; Diplôme d’études avancées (DAS) ; Master d’études avancées (MAS) |
↵4 | Technology Enhanced Teaching – Self Assessment Tool. |
↵5 | Le présent travail répond aux exigences et aux normes éthiques prônées par l’Académie suisse des sciences, reprises par la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO) : la fiabilité, l’honnêteté, le respect et la responsabilité (plus d’informations sont disponibles sur ce site. |
↵6 | 20 % représente environ 8 heures hebdomadaires de travail. |