« Epilogue » des Daft Punk.
Un outil-œuvre de communication à l’ère du Web1Cet article bénéficie du soutien financier de l’Institut Thématique Interdisciplinaire CREAA dans le cadre du programme ITI 2021-2028 de l’Université de Strasbourg, du CNRS et de l’INSERM (IdEx Unistra ANR-10-IDEX-0002) et du programme Investissements d’Avenir du gouvernement français.
Sébastien Lebray
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Résumé
Le 22 février 2021, les Daft Punk annonçaient la fin de leur carrière dans une vidéo intitulée « Epilogue » publiée sur YouTube. Conformément aux habitudes du groupe, son message passe par l’image et la musique, excluant toute communication verbale, et laisse une place conséquente à l’interprétation, comme le ferait une œuvre d’art. Nous nous interrogerons sur cet objet de communication particulier, qui n’est pas directement promotionnel, et qui n’aurait vraisemblablement pas pu exister autrement que dans le cyberespace : de quoi est-il constitué ? Comment le comprendre ? En quoi est-il le reflet de son époque ? Nous montrerons en quoi « Epilogue » relève de l’intermédialité et s’appuie sur les codes de la culture Web. Cette étude de cas ouvrira des questionnements plus larges sur la communication des artistes et leur rapport au public à l’ère du Web, sur la complémentarité des moyens d’expression artistiques, et sur l’hybridité ontologique d’un outil de communication conçu à la façon d’un objet artistique.
Mots clés : culture de la convergence ; culture Web ; Daft Punk ; Epilogue ; intermédialité.
Abstract
On February 22, 2021, Daft Punk announced their retirement in a YouTube video entitled “Epilogue”. As is usual for them, the announcement was made through images and music, excluding all verbal communication, and left ample room for interpretation, as would a work of art. We’ll be looking at this communication object, which is not directly promotional, and which could probably not have existed anywhere other than in cyberspace: what is it made of? How can we understand it? How does it reflect the era? We’ll show how “Epilogue” is a product of intermediality, drawing on the codes of Web culture. This case study will open up broader questions about artists’ communication and their relationship with the public in the Web era, about the complementarity of artistic means of expression, and about the ontological hybridity of a communication tool conceived as an artistic object.
Keywords: convergence culture; Daft Punk; Epilogue; intermediality; Web culture.
Introduction2Dans cet article, le neutre prend la forme masculine conformément aux règles grammaticales traditionnelles de la langue française, sans que ce choix n’implique une quelconque intention discriminatoire.
Le 22 février 2021, les Daft Punk ont annoncé à la surprise générale la fin de leur carrière, en diffusant sur YouTube une vidéo intitulée « Epilogue ». Duo français de musique électronique, composé de Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, les Daft Punk avaient commencé par produire une house très marquée par l’héritage du disco dans les années 1990 – ils étaient alors perçus comme les chefs de file du courant French Touch. Devenus de plus en plus populaires et influents sur la scène internationale au cours des années 2000, ils furent récompensés par quatre Grammy Awards pour leur album Random Access Memories (Daft Life/Columbia 2013), qui restera le sommet de leur succès.
Si cette vidéo « Epilogue » n’a, à première vue, rien de très exceptionnel en elle-même, sa nature paraît à la fois singulière et révélatrice des nouveaux modes de communication des artistes à l’ère du Web. Par sa forme et son mode de publication, elle ressemble à un support promotionnel, comme un clip ou un teaser. Les Daft Punk sont réputés talentueux dans ce type de communication qui suscite l’envie et l’intérêt pour un produit à venir : ils en avaient fait la preuve par exemple en annonçant la sortie de Random Access Memories par une courte vidéo diffusée au festival Coachella en 20123Les stratégies de communication des Daft Punk, notamment à la sortie de Random Access Memories, furent largement commentées et admirées dans des articles de Capital ou des Échos, et le groupe est apparu en couverture du magazine Management en juillet-août 2013 (Lesteval 2013 ; Lebouq 2014).. Toutefois ce 22 février 2021, ils n’annoncent pas la sortie d’un nouveau produit – album, concert, film… –, mais leur séparation. Cette information aurait pu faire l’objet d’un simple communiqué de presse, ou comme le font souvent les artistes de nos jours, d’un message sur les réseaux sociaux. Or, « Epilogue » est tout l’inverse de cela : entièrement non verbale, à l’exception d’une phrase chantée et de l’affichage des dates de début et de fin du groupe, la vidéo présente un message si peu explicite que l’attachée de presse du groupe, Kathryn Frazier, a dû le confirmer en bonne et due forme dans les médias (Monroe 2021). Créée à partir d’images et de musique recyclées provenant de leur production antérieure, cette vidéo se montre ouverte à l’interprétation comme le seraient une chanson, un clip vidéo ou un film, bien qu’elle ne soit ni présentée ni perçue comme telle.
Cet article consiste à interroger « Epilogue » en tant qu’objet hybride, entre œuvre audiovisuelle et objet de communication : comment est-il conçu, comment peut-il être interprété, et comment fut-il reçu au moment de sa diffusion ? Enfin, quelle est sa finalité ? À partir de la notion d’intermédialité, il s’agira de montrer en quoi « Epilogue » est un objet spécifiquement conçu pour le Web.
Conception
« Epilogue » a été conçu à partir de deux sources provenant de la production artistique des Daft Punk : le film Electroma (Daft Punk, Daft Arts) paru en 2007, et la chanson « Touch », tirée de Random Access Memories, album paru en 2013. Dans cette première partie, je présenterai succinctement ce matériau initial, avant de montrer en quoi cette conception renvoie à la fois aux usages des musiques électroniques et à ceux de la culture Web.
Matériau d’« Epilogue »
Daft Punk’s Electroma, abrégé Electroma, est le premier et seul long-métrage des Daft Punk – qui ont toujours revendiqué un intérêt particulier pour le cinéma, perceptible depuis l’aube de leur carrière4On peut songer aux clips de leur premier album Homework (1997,) réalisés par les cinéastes Romain Coppola, Spike Lee et Michel Gondry, au film Interstella 5555: The Story of the Secret Star System, réalisé par Kazuhisa Takenouchi à partir des dessins de Leiji Matsumoto, qui illustre l’album Discovery à la façon d’une suite de clips formant un récit audiovisuel unique et cohérent, ou aux compositions de musiques de film comme Irréversible de Gaspard Noé (par Thomas Bangalter en 2002) et Tron : L’Héritage de Joseph Kosinski (par le duo en 2010).. Ce film expérimental, sans dialogue, explore une thématique centrale de leur identité artistique, soit la relation humain-technologie numérique, à travers leurs personnages de robots – interprétés par des acteurs dans ce long-métrage, ce qui tend à accentuer la distanciation opérée par les Daft Punk entre leur identité humaine et leurs avatars. Comme le souligne le philosophe Chad Parkhill :
Although their early efforts at exploring this relationship seem at best naïve […] their later texts […] display an increasing level of sophistication, not only in artistic but also in philosophical terms. […] Nowhere else in the duo’s oeuvre is their take on technology and the human more developed in its details and more ambivalent in its message than in their debut feature-length film, Electroma. (Parkhill 2009, p. 76)
On peut ainsi considérer Electroma comme l’aboutissement du récit qui entoure leurs personnages de robots et le sommet de cette ambivalence envers les technologies numériques qui caractérise leur œuvre. Dans ce film, on suit deux robots – les avatars des Daft Punk – dans leur quête pour devenir humains. Ils arrivent dans une ville peuplée d’autres robots, et entrent dans un bâtiment où ils se font construire un semblant de visage humain en latex ; mais quand ils sortent se promener en ville, le latex fond au soleil, et ils suscitent l’animosité des habitants qui les poursuivent. Ils choisissent donc d’assumer leur échec à devenir humains en retirant ces masques qui ne trompent personne, et entreprennent une marche dans le désert qui se conclut par leur suicide. Parkhill perçoit dans Electroma une critique existentialiste du transhumanisme. Les décors et les comportements des personnages laissent penser que ce monde a été peuplé par des humains qui auraient réussi à transférer leurs consciences dans des superordinateurs guidant un corps humanoïde mécanique ; un projet prévu par le courant transhumaniste que l’on appelle « uploading », qui représenterait l’une des voies fantasmées d’accès à une forme d’immortalité. Le film présente donc « une vision du futur cyborg post-humain5« The film offers us a vision of the cyborg posthuman future ». » (Parkhill 2009), dans laquelle les héros, représentants d’une post-humanité future ayant réussi la quête de l’immortalité, se retrouveraient en quête d’identité et de sens : « In short, having succeeded in the project of transcending death, these beings have no further projects and nothing else left to transcend—thus they lead lives of bad faith, mistakenly understanding themselves as little more than automata » (ibid., p. 80). Finalement, c’est en échouant et en mettant fin à leur existence que les deux héros parviennent à s’émanciper de leur condition de robots et se révèlent les plus humains. Cette morale résonne de façon très cohérente avec le discours esthétique tenu par les Daft Punk en marge de leur production musicale, en particulier durant la promotion de leur dernier album, Random Access Memories. Ce discours est marqué par la méfiance envers le tout-numérique plutôt que le rejet de tout ce qui est numérique, et la nécessité de préserver une part humaine de musicalité, passant par l’expérimentation, l’imperfection humaine et le jeu collectif (Lebray 2025).
La chanson « Touch » – deuxième référence à la production antérieure du groupe – se trouve quant à elle au cœur de l’album Random Access Memories, étant située au centre de la liste des pistes (en septième place sur treize) et proche du mi-temps (34 minutes de musique avant, 32 après). Dans Pitchfork, De Homem-Christo la présente comme « le cœur du disque », et précise que « les souvenirs des autres morceaux tournent autour de lui6« “It’s like the core of the record,” says de Homem-Christo, “and the memories of the other tracks are revolving around it” ». », ce qui rejoint une déclaration de Bangalter, qui la définit comme « le morceau pivot du disque7« The pivotal track on the record ». » (Domball 2013 ; Perry 2013). « Touch » fut également décrite comme « le nœud de l’album » et « le point de départ de tout le disque » (Ghosn et Wicker 2013). Sur l’album, « Touch » est entourée de deux singles festifs, très radiophoniques et représentatifs du phénomène de « patrimonialisation du disco » pointé par Philippe Poirrier (2015) : « Lose Yourself to Dance » et le célèbre « Get Lucky ». Elle contraste nettement avec ces derniers, étant à la fois plus longue, plus mélancolique, et manifestement moins destinée au grand public, puisqu’elle n’a pas été diffusée en single. On peut également la qualifier de plus expérimentale, notamment sur le plan structurel : la forme couplet-refrain y est délaissée au profit d’une structure originale développée et complexe laissant la part belle aux variations de tempo, de timbre et de style (Lebray 2025, p. 171-177). « Touch » est également centrale pour le concept de l’album. Selon Jane Clendinning :
The songs of each of these albums [including Random Access Memories] unite around a central theme, though they are not intended to express a specific teleological narrative. […] This album’s contents reflect a journey through the memories of the unnamed individual whose thoughts form the album’s experiences. (Clendinning 2019, p. 167)
« Touch » semble ainsi nous présenter l’état psychologique de cet être auquel appartiennent les « souvenirs » (memories) relatés tout au long de l’album, auxquels son titre fait référence. Cet être, non identifié, pourrait être l’un de ces personnages robots ou cyborgs représentés dans Electroma, dans une ébauche de « narrativité transmédiale » (« transmedia storytelling » ; Jenkins 2006, p. 93). Confronté à des souvenirs parcellaires (il parle d’une chanson à moitié oubliée, « a half-forgotten song »), il est visiblement perdu et lui aussi en quête d’identité et/ou de sens : il se répète « where do I belong » (« où est ma place »), et finit par recevoir la réponse suivante : « Hold on / If love is the answer you’re home » (« tiens bon » ou « patiente », « si l’amour est la réponse, tu es chez toi »).
Du « (re)mix audiovisuel » à la culture Web
De ces deux sources, la chanson « Touch » et le film Electroma, les Daft Punk n’utilisent dans « Epilogue » que des extraits. Deux séquences d’Electroma sont empruntées, l’une montrant le suicide assisté du robot argenté (de 47:53 à 53:02) et l’autre la marche solitaire du robot doré face au lever du soleil (de 55:34 à 58:00). De « Touch », c’est d’abord la section de 5:45 à 6:48 (précédant l’outro piano-voix) qui est empruntée, puis le chœur d’enfants entendu à partir de 4:38. Notons que dans « Epilogue », ce chœur est entendu a cappella, alors qu’il est accompagné dans « Touch », ce qui signifie qu’il y a non seulement un découpage et une sélection sur l’axe horizontal, dans le temps, mais que certaines couches sont également sélectionnées dans leur verticalité, c’est-à-dire dans la superposition d’éléments qui les constituent. Cette façon de constituer une œuvre à partir (de fragments) d’autres œuvres enregistrées rappelle les « piliers » créatifs de la culture DJ, le mix, le remix et le sampling (Poschardt 2002, p. 32-36), auxquels les Daft Punk ont si souvent eu recours durant leur carrière. Leur façon d’y entremêler leurs propres œuvres renvoie également au processus créatif de leur disque Alive 2007, enregistré lors de leur concert au Palais Omnisport de Paris-Bercy le 14 juin 2007, et qui présente une succession de mixes de titres tirés de leur discographie. « Epilogue » s’inscrit donc dans la continuité d’un processus créatif idiomatique des musiques électroniques, étendu au visuel, que l’on pourrait qualifier de « (re)mix audiovisuel ».
Si l’on dépasse cette perception très musico-centrée de sa conception, « Epilogue » relève également de ce qu’Henry Jenkins appelle « culture de la convergence », qu’il définit comme la collision des anciens et nouveaux médias (Jenkins 2006). Electroma, un film d’influence états-unienne très marquée rappelant notamment Gus Van Sant, et « Touch », une chanson extraite d’un album concept rendant hommage à la musique populaire des années 1970-1980, appartiennent sans équivoque aux « anciens » médias : tout laisse penser que le premier fut destiné prioritairement à être visionné dans une salle de cinéma, et le deuxième à être écouté de préférence en disque vinyle8Electroma a été présenté au festival de Cannes en 2006, puis diffusé exclusivement au cinéma du Panthéon à partir de mars 2007. Random Access Memories, l’album dont est extrait « Touch », a été enregistré en analogique et l’ingénieur du son Antoine Chabert a commenté le soin particulier apporté au mastering du disque vinyle. Les éditions Coffret Deluxe et 10th Anniversary Edition de cet album sont également sorties en disque vinyle.. Tous deux préexistaient hors du Web et peuvent donc exister sans lui. Toutefois il ne s’agit pas pour les Daft Punk d’ériger le cinéma et le disque en rempart contre l’avènement du Web : « Comme le cinéma s’est inséré dans la culture, tout en la faisant évoluer, Internet n’est pas en guerre ouverte avec les industries culturelles, mais compose avec l’offre existante, dont il modifie la réception » (Gunthert 2013). Comme l’immense majorité des œuvres audiovisuelles et musicales, Electroma et « Touch » furent diffusés sur différents supports dont certains sont spécifiques au Web, comme les sites de streaming – notamment YouTube. La vidéo « Epilogue » s’en distingue dans le sens où elle est constituée spécifiquement pour le nouveau média qu’est YouTube, à partir de fragments d’œuvres empruntés aux anciens médias que sont le cinéma et le disque. C’est en cela qu’elle entre dans le champ de l’intermédialité, qui dépasse la simple diffusion multi-supports :
Un produit médiatique devient intermédiatique quand il transpose le côte-à-côte multimédiatique, le système de citations médiatiques, en une complicité conceptuelle dont les ruptures et stratifications esthétiques ouvrent d’autres voies à l’expérience. C’est alors dans la reconstruction de relations intermédiatiques que se trouve l’un des centres d’intérêt de la science et de l’histoire des médias et de la sémiologie. (Müller 2006, p. 113)
Cette intermédialité d’« Epilogue » s’accompagne de nombreuses caractéristiques qui le font percevoir comme un objet spécifique à la communication sur le Web. En premier lieu, sa conception à partir de l’existant renvoie à l’« appropriabilité numérique » typique de YouTube dont Gunthert propose divers exemples : « fausses bandes-annonces », « détournements parodiques », « hommage imitatif des covers (version personnelle d’un morceau de musique) », « mèmes (jeu appropriable de décontextualisation de motif) » (Gunthert 2013), à ceci près qu’en utilisant des fragments d’œuvres antérieures, les Daft Punk se réapproprient leur propre production. L’investissement économique est de ce fait limité, ce qui leur permet d’échapper aux nécessités logistiques et financières des « anciens » médias : quoi de plus facile avec les outils numériques disponibles en 2021 que de réaliser un montage à partir d’un matériau sonore et visuel préexistant et de le diffuser sur une plateforme comme YouTube ? De fait, l’objet n’est pas présenté par un acteur industriel (maison de disque, société de production audiovisuelle) mais par les artistes eux-mêmes, en toute autonomie.
Interprétation
Dépourvu de toute communication verbale, « Epilogue » ne délivre pas un message univoque. Cette interaction d’extraits d’Electroma et de « Touch » nécessite d’être interprétée à la façon d’une œuvre artistique, avec un sous-texte et différents niveaux de lecture. Pour ce faire, on considérera à la fois ce que les Daft Punk ont emprunté à ces œuvres antérieures pour le donner à voir et à entendre dans « Epilogue », mais également ce qu’ils n’ont pas pris, puisque que ces extraits font écho aux œuvres dont ils sont tirés, connues des fans auxquels s’adresse le message. On peut appeler cela un hors-texte, au même sens qu’un hors-champ au cinéma dont on peut deviner ou craindre ce qui s’y trouve, même si ce n’est pas exprimé visuellement. Ces hors-textes peuvent s’avérer tout à fait significatifs dans l’interprétation du message diffusé par les Daft Punk dans « Epilogue ». Après avoir proposé trois pistes d’interprétation, je montrerai en quoi la latitude laissée au public pour comprendre et s’approprier le message transmis s’inscrit dans une stratégie d’engagement typique de la culture Web.
Signifier la fin
En premier lieu, « Epilogue » a bien sûr pour objectif de signifier la fin de la carrière du duo, que son titre suggère, ainsi que les dates « 1993-2021 » qui apparaissent aux deux tiers de sa longueur. Le silence pesant des premières secondes de vidéo, la mise en scène, le jeu d’acteurs et le cadrage installent une certaine gravité, d’autant que ces images sont connues des fans les plus assidus du duo. L’explosion de l’un des robots (voir figure 1) est bien sûr un symbole fort : celui d’une fin irrémédiable, nécessairement définitive. Mais ce qui la précède n’en est pas moins significatif : bien que le contexte narratif développé dans Electroma ne soit pas montré, on perçoit dans la démarche des robots (tête baissée, bras ballants) une forme d’abattement, de découragement, suivis par la décision et la détermination d’en finir. L’un des robots ouvre sa veste de façon à dévoiler un bouton d’autodestruction dans son dos, et se retourne pour le présenter à l’autre, qui l’actionne (voir figure 1). Ce choix peut être perçu comme une revendication : leur fin de carrière est présentée comme choisie et assumée, ils en sont directement acteurs et maîtres. On peut noter que si l’émotion est présente, les Daft Punk en ont été relativement économes : la scène d’Electroma montrant le robot doré visiblement bouleversé par la disparition de son acolyte, se livrant même à une forme de rituel funéraire en réunissant ses restes, n’est par exemple pas incluse. Notons que la destruction de ce second robot dans Electroma, bien que spectaculaire (il s’immole par le feu), n’est pas montrée, peut-être parce que cette scène est relativement longue.
Figure 1 : Quatre plans extraits d’« Epilogue ».
Concernant la musique, c’est la partie finale de « Touch » que l’on entend dans « Epilogue ». Il s’agit d’un buildup, c’est-à-dire un développement par accumulation progressive de strates superposées, procédé très courant dans la musique électronique et chez les Daft Punk, à partir de la phrase « Hold on / If love is the answer you’re home ». Ce développement s’interrompt brutalement par un silence, dans l’original comme dans « Epilogue » : c’est une coupure nette, sans fondu ni effet de persistance sonore comme l’écho ou la réverbération. Le caractère inattendu de cette coupure est accentué par la répétition en boucle qui précède, qui nous conditionne à attendre un retour perpétuel au point de départ, par l’arrêt sur le cinquième degré suspensif, par une montée en glissando des cordes qui semble annoncer un accent, et par l’interruption du chœur au milieu d’une phrase, qui reste en suspens avec un mot manquant.
Dans la chanson « Touch », cette coupure est suivie par un couplet conclusif qui prend des airs de bilan et peut faire écho à la quête d’identité des robots dans Electroma : « Sweet touch, you’ve given me too much to feel / You’ve almost convinced me I’m real9Le terme « touch », difficile à traduire dans ce contexte, pourrait signifier « un brin de », « un petit quelque chose » – mais chose ici indéfinie – de « doux » (sweet). Pour la suite : « Tu m’as trop donné à ressentir / Tu m’as presque convaincu que j’étais réel ». ». Si cette partie du texte ne figure pas dans « Epilogue », on peut supposer qu’elle s’impose à l’esprit de nombreux fans des Daft Punk, ceux qui connaissent bien la chanson pour l’avoir entendue à de nombreuses reprises. Elle constitue l’un de ces hors-textes significatifs évoqués plus haut. À la place de ce couplet latent, les Daft Punk font suivre après un court silence le chœur a cappella qui reprend la phrase « Hold on / If love is the answer you’re home », répétée comme un mantra puis à nouveau interrompue sans ménagement – sur le « h » aspiré de « home » et sans réverbération, ce qui accentue, là encore, l’effet de surprise. La vidéo s’arrête sur cette frustration sonore, qui illustre à merveille le ressenti de milliers de fans en apprenant une séparation quand ils espéraient l’annonce d’un nouvel album.
Transmettre un héritage
Un autre objectif probable d’« Epilogue » consiste à transmettre un héritage, sous la forme d’un résumé, d’un bilan de leur carrière artistique. Electroma et « Touch » ont le point commun d’être deux œuvres exigeantes et expérimentales, loin des titres à succès comme « Get Lucky », « One More Time » ou « Around The World » qui ont jalonné la carrière des Daft Punk. Electroma, nous l’avons vu, est un aboutissement philosophique sur leur rapport ambigu envers les technologies numériques, lequel est au cœur de leur identité artistique. C’est également une œuvre non musicale, bien que la musique y ait une place importante, ce qui permet aux Daft Punk de rappeler que leur vision artistique dépassait le sonore. Enfin, d’un point de vue pratique, Electroma fournit des images de leurs robots ; des images diégétiques, c’est-à-dire montrant ces personnages dans leur univers, et non Thomas Bangalter et Guy-Manuel des Homem-Christo déguisés en public. C’est un moyen (commode et économique) de les mettre en scène et de conclure le récit autour de ces personnages si importants pour eux. « Touch » est souvent reconnue comme l’une des chansons les plus importantes et ambitieuses de l’album Random Access Memories, tant par la critique que par les fans. Dans Pitchfork, elle est comparée à « A Day In The Life », le titre final de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles (Domball 2013). Dans le New York Times, Simon Reynolds la décrit comme « une grandiose chanson-suite qui fait fusionner le rock prog et la pop de pacotille10« “Touch,” a grandiose song-suite that merges prog-rock and pop schlock ». » (Reynolds 2013), et Thomas Bangalter la définit comme « la plus complexe11« “Touch” was the first track we started working on and almost the last to finish because it was the most complex ». » de l’album (Perry 2013) – ce qu’elle est effectivement sur le plan structurel et du point de vue des techniques de production (Lebray 2025). Aux yeux des Daft Punk, il est plausible qu’elle représente tout simplement ce qu’ils ont fait de mieux dans le domaine musical, une sorte de quintessence, un aboutissement de leur héritage artistique.
Le logo apparaissant aux deux-tiers de la vidéo, qui semble être le seul matériau original utilisé, fait penser à une pierre tombale où les dates de naissance et de mort du groupe sont surmontées d’une sorte d’épitaphe visuel (figure 2). On y voit les mains des deux robots former un triangle, un symbole récurrent chez les Daft Punk qui symbolise la pyramide de leur tournée 2006-2007. Cette tournée, qui faisait suite à un concert au festival de Coachella en 2006, a été un événement marquant de leur carrière qui a eu un grand impact sur leur influence dans l’industrie de la musique, notamment sur le courant EDM (l’électro grand public de Skrillex ou Deadmau5) et le hip-hop (Matos 2015, p. e5279-e5298 ; Cardew 2021, p. 181 ; Perrin 2019, p. 75). On les voit faire ce signe avec les mains dans certains événements publics et, sept ans après Coachella, ils portaient des pendentifs en forme de triangle sur de nombreuses photos de promotion de leur album Random Access Memories, même dans le clip de « Get Lucky ». À l’heure du bilan, ou de l’épitaphe, il paraît logique que le souvenir de cet événement marquant ressurgisse. Dans ce nouveau contexte, la pyramide retrouve sa vocation première, celle d’un monument funéraire susceptible de rappeler aux générations futures les noms et accomplissements de ceux pour qui elle fut bâtie. Enfin, on peut voir dans cette lumière qu’entourent les deux mains le symbole d’une flamme qu’il est peut-être question de préserver.
Figure 2 : Logo-épitaphe d’« Épilogue ».
Une renaissance ?
Plusieurs indices dans « Epilogue » laissent entendre que cette fin de carrière ouvre une nouvelle ère. Alors que l’explosion du premier robot intervient aux deux tiers de la vidéo, le dernier tiers donne à voir un soleil qui se lève sur le désert et le second robot marchant vers l’horizon, signifiant peut-être que si plus rien ne sera comme avant, le voyage continue néanmoins (figure 3). Si on considère le hors-texte, la scène d’Electroma qui précède immédiatement celle empruntée dans « Epilogue » montre un travelling avant sur les cuisses, le bas-ventre et la vulve d’une femme dans une perspective rappelant L’origine du monde de Gustave Courbet (1866). Cette scène est au cœur de l’article de Chad Parkhill, qui considère : « In a gendered social context where the vulva is understood teleologically as the organ par excellence of sexual reproduction and birth, the symbolism of this moment is obvious: in the depths of their failure, the robots are born as human » (Parkhill 2009, p. 81). De fait, Thomas Bangalter s’est lancé peu de temps après la publication d’« Epilogue » dans une nouvelle carrière, sous son propre nom et sans casque : il a composé la partition du ballet Mythologies chorégraphié par Angelin Preljocaj, créé à l’opéra de Bordeaux en 2022, puis joué à Paris à Marseille en 2023, qui a donné lieu à une importante campagne de communication nationale. Il a également composé la musique du film Daaaaaali ! de Quentin Dupieux en 2023, et multiplié les apparitions médiatiques à visage découvert, notamment au Festival de Cannes 2022 ou aux représentations de Mythologies.
Figure 3 : Plan final extrait d’« Epilogue ».
La symbolique d’une renaissance est également présente hors-texte dans la chanson « Touch ». Les confidences de son auteur et interprète Paul Williams sont éloquentes à cet égard : il raconte que Thomas Bangalter lui a donné un livre sur les expériences de vie après la mort et émet l’hypothèse que le narrateur de « Touch » soit quelqu’un qui se serait réveillé d’un coma. Cette notion de retour à la vie résonne particulièrement avec l’histoire personnelle de Williams. En effet, il déclarait en 2007, c’est-à-dire peu avant son recrutement par les Daft Punk : « I’m 17-years sober, and have essentially been given my life back. I’ve never been happier, never been more productive. And I’ve really gotten to a place where I really see my life as a gift. I feel like Lazarus, I feel like it’s a second life » (Williams 2007). En 2013, à la sortie de Random Access Memories, il faisait le lien entre cette histoire personnelle et « Touch » : « My life changed intensely 23 years ago, when I got sober. And at that point, slowly but surely, I began to realize that every day was a gift. And I hope that’s in that song, there is that sense of wondering in that song » (Lachman 2013, 5:34). Sa renaissance est également professionnelle : « For somebody my age, at this point of my life, to have the opportunity to be picked up by these guys […] is a wonderful gift» (ibid.) ; « For a 73-year-old, the GRAMMYs was more than a helluva evening … it was a bloody miracle » (Williams 2014). On peut défendre l’hypothèse que l’injonction de « redonner vie à la musique12« Give Life Back Music » est le titre de la première chanson de Random Access Memories. » consistait aussi pour les Daft Punk à ressusciter symboliquement des musiciens considérés comme passés de mode comme Paul Williams, Nile Rodger ou Giorgio Moroder (Lebray 2025, p. 189-190). Cette notion de renaissance est donc présente non seulement dans la chanson « Touch », mais au cœur de l’album Random Access Memories.
Engagement
La culture du Web est essentielle pour comprendre le choix des Daft Punk de proposer un objet de communication nécessitant un effort d’interprétation. Le propre de l’environnement médiatique contemporain est l’interactivité, une notion centrale de la révolution numérique : Internet, avec ses pages personnelles, puis ses blogues, ses réseaux sociaux et l’omniprésence des commentaires, a remis en cause la communication verticale des « anciens » médias, qui séparait nettement des entreprises et institutions émettrices et une population de consommateurs récepteurs. S’adresser au public ne suffit plus, il est désormais important de le faire agir et réagir – ce que les spécialistes du marketing Web appellent « l’engagement ». Pour Gunthert, YouTube « incarne exemplairement ce nouveau Graal » qu’il appelle le « Web interactif » (Gunthert 2013). Le premier niveau d’engagement consiste à susciter sur les réseaux sociaux des émoticônes, des commentaires et des partages, ce qu’« Epilogue » n’a pas manqué de faire non seulement le jour de sa publication, mais encore des mois après13La section de commentaires sur la page YouTube d’« Epilogue » recueille encore trois à cinq commentaires quotidiens à l’heure de la rédaction de cet article, deux ans et demi après sa publication.. Ainsi, sur un groupe Facebook consacré au duo, plusieurs internautes partagent la vidéo le jour même de sa sortie avec quelques mots ou émoticônes signifiant leur déception ou leur tristesse. L’un d’entre eux exprime son désarroi en expliquant que la musique des Daft Punk l’avait aidé à surmonter des moments difficiles de sa vie : « My wold just blew apart, and I’m just trying to find out how to keep going without my biggest influence14Membre anonyme, groupe « Daft Punk » sur Facebook, 22 février 2021. ». Un an plus tard, un autre membre du groupe repartage la vidéo avec le commentaire suivant : « I still can’t believe that it’s been a year since Daft Punk had announced that they were splitting up15Membre anonyme, groupe « Daft Punk » sur Facebook, 22 février 2022. ».
À un niveau plus profond d’engagement, le public investit sa propre créativité dans le processus. Gunthert et Jenkins évoquent tous deux cette dimension participative des nouveaux médias numériques. Dans ce contexte, l’appropriabilité est selon Gunthert un facteur essentiel de popularisation d’une œuvre – il évoque en exemple le film La Chute d’Oliver Hirschbiegel, la chanson « Gangnam Style » de Psy mais également « Get Lucky » des Daft Punk, toutes les trois très présentes sur les réseaux sociaux l’année où il publie cet article :
Un objet copié, détourné ou imité est une invitation à poursuivre le jeu. Le nombre et la variété des reprises comptent plus que leur source, à laquelle elles se superposent, dans un buzz qui mêle l’original et la copie. L’expérience partagée est créatrice de valeur. […] Voilà pourquoi le succès du single « Get Lucky » des Daft Punk se mesure au nombre et à la rapidité de production des covers. (Gunthert 2013)
L’exemple de « Get Lucky » souligné par Gunthert n’est pas anodin : il montre bien que les Daft Punk ont compris les codes du Web et ont su les exploiter dans leur stratégie marketing, ce qui fut d’ailleurs remarqué à sa sortie. Vincent Glad explique dans Slate comment un extrait de quinze secondes de cette chanson a « colonis[é] YouTube en quelques heures », « dans un Internet de l’abondance où […] l’absence devient un événement » (Glad 2013) :
Le Web comble l’absence et le teaser devient un phénomène culturel en lui-même. Le site Infinite Daft Loop le diffuse en boucle. Une version de dix heures dépasse les 200 000 vues sur YouTube. Un groupe d’électro français compose une chanson basée sur ces quinze secondes de teaser. (ibid.)
Les semaines précédant la sortie de l’album, le duo dévoilera progressivement sa chanson, suscitant à chaque étape de nouvelles et nombreuses réactions et appropriations sur les réseaux sociaux. Une stratégie de communication taillée pour le Web qui mène Glad à penser « Get Lucky » comme « le premier avatar d’un genre hybride, à la fois hit et mème » (ibid.).
Sans susciter le même engouement, « Epilogue » se prête également à l’appropriation par le public, favorisée en premier lieu par son matériau. Visuellement, l’image de l’explosion du robot argenté, particulièrement frappante, a donné lieu à de nombreuses productions d’internautes, dont le site Knowyourmeme recense quelques exemples et en commente le succès (figure 4). La pierre tombale stylisée par les deux mains de robots entourant une lueur accompagnée des dates 1993-2021, seul élément graphique inédit de la vidéo, est également largement reprise par les fans (figure 5). Musicalement, c’est la version a cappella (inédite) des chœurs de « Touch » qui a suscité le plus d’inspiration, utilisée en tant que sample ou donnant lieu à diverses productions de type cover (réinterprétation), mix ou remix publiés sur YouTube dans les mois suivant la publication d’« Epilogue ». Ghoulie imagine ainsi une hypothétique tournée d’adieu « Alive 2021 » (sur le modèle de l’album live Alive 2007) qui se conclut par le chœur en question (1,1 million de vues), tandis que Beat Lounge propose un remix incluant le matériau musical de la vidéo (63 000 vues). « Epilogue » a également suscité de nombreux mèmes relayant plus ou moins ironiquement la frustration des fans du duo. On y retrouve les images fortes et symboliques de l’explosion (figure 4) et de la pierre tombale stylisée (figure 5), associées à des « exploitables16Les « exploitables » sont des structures de mème préétablies à partir d’une même image ou d’un enchaînement d’images, confrontées à un contexte différent (dialogue, étiquettes, autres images…) pour créer l’effet humoristique. » classiques comme Wojak ou Disappointed Black Guy17Les mèmes pris en exemples (et de nombreux autres) sont recensés et sourcés dans l’article d’Ally Dinning, « 17 Memes To Commemorate The End Of Daft Punk » sur le site Knowyourmeme (26 février 2021), https://knowyourmeme.com/editorials/collections/21-memes-to-commemorate-the-end-of-daft-punk. Le même site définit la notion d’« exploitable » et présente Wojak et Disappointed Black Guy. (figures 5 et 6).
Figure 4 : Mème basé sur l’explosion du robot argenté dans « Epilogue ».
Figure 5 : Mèmes constitués à partir des « exploitables » Disappointed Black Guy (à gauche) et Wojak (à droite).
Figure 6: « The different ways people reacted to epilogue and the break-up news ». Mème constitué à partir de l’ « exploitable » Wojak et ses déclinaisons.
Au-delà des productions audio et/ou visuelles créées par les internautes à partir de son matériau et des réactions du public reflétées par les mèmes, l’engagement autour de la vidéo « Epilogue » est alimenté par de nombreuses propositions d’interprétation. La recherche de la vérité du message diffusé se fait collectivement dans une forme d’échange et de partage communautaire international typique de la culture Web : « Viewers get even more out of the experience if they compare notes and share resources than if they try to go it alone », explique Jenkins à propos du film Matrix ; « To truly appreciate what we are watching, we have to do our homework » (Jenkins 2006, p. 94-95). Dans le cas d’« Epilogue », si la plupart des internautes ont compris immédiatement qu’il était question d’une séparation, d’autres ont voulu croire à une feinte communicationnelle ou chercher entre les lignes des informations supplémentaires. Des théories à propos de possibles indices cachés ont fusé, dont voici un exemple trouvé sur Facebook, accompagné (encore) d’un partage du lien : « Anyone else read the video as only one of them wanted to quit? The part where one of them stops following the other… » Lorsqu’un second internaute objecte en commentaire que le matériau provient d’un film préexistant, la réflexion se poursuit : « Maybe they chose that clip for a reason though ». Cet exemple est révélateur d’un état d’esprit général, où chacun (parmi les fans du groupe en particulier) se questionne, élabore et/ou évalue l’une ou l’autre « théorie » à partir des éléments semblant être offerts à l’interprétation. « Guys i [sic] have a game changing theory about the breakup and possible comeback », annonce un membre du groupe /DaftPunk sur Reddit, avant de s’expliquer. « Do you believe in countdown/time theory? », s’enquiert un autre. À l’époque de la culture Web, ce goût de l’effort d’interprétation, de l’élaboration ou de la réfutation de « théories » fait partie intégrante d’une relation moderne, contemporaine entre les artistes et le public ; c’est l’une des caractéristiques de la « convergence » théorisée par Jenkins.
Finalité
On peut se demander à quoi bon mettre autant de soin à annoncer une séparation. Si « Epilogue » n’a sans doute pas été très coûteuse, puisque l’essentiel de son matériau est réutilisé et que la mise en ligne sur YouTube n’engendre pas de frais, elle implique néanmoins un effort économique et artistique pour le montage et la création du logo. L’amour de l’art, la complicité avec le public, la volonté de finir une carrière en beauté ne sont pas à négliger et peuvent expliquer en partie ce choix, mais d’autres considérations existent également. Nous verrons dans cette partie que certains publics sont privilégiés de façon à entretenir un certain engouement autour des Daft Punk, et qu’une stratégie économique pour l’après-carrière du duo, basée sur cet engouement et préparée par « Epilogue », se dessine depuis sa sortie en 2021.
Public cible
Comme tous les artistes de musique populaire, les Daft Punk ont différentes catégories de public. Ce qu’on appelle le « grand public » connaît d’eux quelques grands succès radiophoniques et leurs personnages de robots. Des publics plus restreints et plus communautaires peuvent apprécier plus particulièrement l’un ou l’autre de leurs albums ; il n’est pas rare, par exemple, de rencontrer des amateurs de rave party qui vouent un culte au premier album des Daft Punk mais détestent la voie plus mainstream que le groupe a prise à partir des années 2000. Il existe enfin une catégorie de fans très impliqués qui connaissent et apprécient l’ensemble de la carrière des Daft Punk, y compris dans ses aspects extramusicaux – ce qu’on appelle communément la fanbase. Ceux-là n’écoutent pas seulement leurs chansons à succès, mais connaissent très bien leur œuvre, au point d’avoir vu et entendu des productions moins connues et plus ambitieuses comme Electroma et « Touch » ; ils s’intéressent au-delà de la musique à leur philosophie et à leur cinéma, et ils seront sans doute attachés à leur postérité, maintenant que la carrière du duo est terminée. C’est à cette catégorie de fans, sans doute les plus touchés par leur séparation, que s’adressent prioritairement les Daft Punk dans « Epilogue ». C’est ce que suggère le choix des images et de la musique : on peut imaginer que les Daft Punk se seraient adressés au « grand public » avec une chanson extrêmement populaire comme « Get Lucky », comme ils l’ont fait pour promouvoir Random Access Memories. Le matériau employé pour constituer la vidéo, les références extratextuelles, l’ouverture possible à diverses interprétations vont également dans le sens d’un message adressé prioritairement à un public actif et connaisseur, du moins à la date où la vidéo a été diffusée.
Car une vidéo diffusée sur YouTube, contrairement à une publicité, n’est pas passagère, elle devient aussitôt une archive, qui sera encore visionnée dans 10, 20, 50 ans. Aussi, il est fort probable que les Daft Punk l’adressent également à de futurs fans potentiels, à ceux qui les découvriront rétrospectivement. Ce type de conscience de l’Histoire, l’idée de laisser une œuvre qui ne se réduit pas à une actualité culturelle passagère, est très importante dans la façon de penser des Daft Punk, comme l’a notamment montré la campagne de promotion de Random Access Memories. Le soin apporté à définir dans « Epilogue » une forme d’héritage artistique condensé, comprenant leur musique, leurs images, leur philosophie ambigüe envers les technologies numériques et le récit entourant leurs personnages de robots, va dans ce sens. Leur partenariat récent avec la plateforme TikTok, qui permet aux jeunes utilisateurs de profiter de leur musique et de l’utiliser dans leurs propres créations audiovisuelles, semble également confirmer cette intention de conquérir de nouveaux et jeunes publics malgré l’arrêt de leur production discographique. C’est ce qui nous amène à l’enjeu économique d’« Epilogue ».
Enjeu économique
L’introduction de cet article mentionne qu’au moment de la publication d’« Epilogue », les Daft Punk n’avaient rien à vendre ni à promouvoir, ce qui était effectivement le cas le 22 février 2021. Mais cela ne signifie pas que sa diffusion n’ait eu aucune portée ni intention économique, et qu’elle soit uniquement faite pour informer (avec un support de luxe) le public de leur séparation. En réalité, « Epilogue » a permis aux Daft Punk d’acquérir un nouveau statut, celui d’artistes à la carrière finie, c’est-à-dire qui ne produiront plus d’œuvre ni de tournée sous cette identité commune de duo ; un statut que l’on peut comparer à celui des anciens Beatles, ou du groupe Queen privé de Freddy Mercury, par exemple. L’industrie musicale sait très bien capitaliser sur ces œuvres discographiques achevées, les faire vivre à travers des rééditions, de nouvelles formes d’exploitation commerciale, qui présentent l’avantage de ne représenter aucun risque artistique ou commercial : il suffit d’exploiter sous diverses formes un produit existant et connu du public, avec parfois quelques inédits pour relancer l’intérêt. Un article de Challenges publié un an après « Epilogue » met en évidence ces stratégies économiques tournées vers la gestion de droits de « valeurs sûres » de la musique populaire – le plus souvent retraitées – plutôt que vers la création discographique, en insistant sur l’importance des « nouveaux usages numériques » comme le streaming, TikTok ou Twitch (Echelard 2022). L’intention des Daft Punk de jouir de ce nouveau statut est devenue manifeste l’année suivante, lorsqu’ils ont repris contact avec le public pour annoncer la parution d’un nouveau disque, Homework Remixes, composé comme son nom l’indique de remixes de titres tirés de leur premier album Homework18Notons que leur sens du marketing reste vivace, puisqu’ils ont choisi la date du 22 février 2022 pour faire cette annonce, qui fait écho au 9 septembre 1999, la date qui avait été annoncée comme celle de leur transformation en robots – et de nombreux fans les attendaient au tournant à cette date précise, ayant repéré la similarité de la suite de chiffres et le fait que cette date correspondait exactement au premier anniversaire de l’annonce de leur séparation. (Virgin, 1997). En 2023, cette stratégie économique s’installe avec la parution d’un album « anniversaire », comportant un titre inédit à l’occasion des 10 ans de Random Access Memories. Ils entrent dans une nouvelle logique d’exploitation de leur œuvre achevée, jouant sur le souvenir et la nostalgie. Ainsi, dans un cas comme dans l’autre, la sortie du nouveau disque est accompagnée, en guise de campagne de promotion, de divers documents d’archives. Leur intention de conquérir de nouveaux publics, on l’a vu, est également manifeste notamment à travers leur partenariat avec TikTok (Anonyme 2022).
Conclusion
Ce travail autour d’« Epilogue » nous a permis de comprendre comment cette vidéo a été produite par les Daft Punk à partir d’images issues d’Electroma accompagnées d’extraits musicaux de « Touch », dans une forme de réappropriation de leur propre matériau audiovisuel. On peut y voir et y entendre, au-delà du message concernant la fin de la carrière du duo, la volonté de transmettre un héritage et l’idée d’une renaissance. Au-delà de la possible continuation d’une carrière artistique sous d’autres formes par les membres du groupe, les Daft Punk accèdent à un nouveau statut d’artistes à la carrière achevée qui leur permet d’envisager de nouvelles formes d’exploitation de leur œuvre.
Dans ce contexte, « Epilogue » apparaît comme un objet de communication singulier, hybride, ni fondamentalement « outil » publicitaire ni réellement « œuvre » artistique, qui se révèle typique de l’ère numérique. Par sa constitution à partir d’œuvres préexistantes, par le dialogue qu’elle instaure entre celles-ci pour leur donner un nouveau sens, par l’interaction qu’elle suscite entre le cinéma et le disque dans leurs formes les plus traditionnelles et le nouveau média qu’est YouTube, « Epilogue » relève à la fois de l’intermédialité et du concept voisin de « culture de la convergence ». Son appropriabilité, tant sur le plan du matériau audiovisuel qui s’offre à la créativité des internautes que du message-œuvre qui encourage la réaction, l’interprétation voire l’élaboration de théories, l’inscrit en droite ligne de la culture Web.
Ces considérations ouvrent la voie à des réflexions ultérieures. Il semble se dessiner un lien entre la culture DJ et la culture Web, toutes deux marquées par la prééminence de l’appropriation et de la libre réutilisation de productions existantes – au mépris insolent des réglementations sur le droit d’auteur et le droit à l’image rendues difficiles à appliquer et à faire accepter. Dans les deux cas, l’appropriation est facilitée par l’usage d’outils numériques, soit le sampler – l’ordinateur qui permet de copier-coller musique et images –, les supports de stockage qui permettent d’archiver, Internet qui met la production audiovisuelle mondiale à portée de clic… ; tout cela dans des conditions économiques particulièrement favorables. Peut-on dès lors parler d’une culture de l’appropriation corrélée à la révolution numérique, résolument moderne dans le sens où elle met au défi les conceptions philosophiques et légales de l’art ? La finalité de l’objet mérite également d’être questionnée plus largement. Les Daft Punk sont parmi les premiers retraités d’une génération d’artistes ayant construit leur indépendance artistique et économique en s’appuyant sur les nouveaux moyens de production, de diffusion et de communication numériques démocratisés dans les années 1990. La stratégie consistant à promouvoir leur séparation de façon mémorable (au sens propre), avant de démarrer une seconde phase d’exploitation – toujours indépendante – de leur œuvre achevée, basée sur la nostalgie et la célébration, peut-elle inspirer dans les années à venir un modèle de gestion de la fin de carrière pour d’autres artistes au développement économique similaire ?
Bibliographie
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Citation
- Référence papier (pdf)
Sébastien Lebray, « “Epilogue” des Daft Punk. Un outil-œuvre de communication à l’ère du Web », Revue musicale OICRM, vol. 11, no 2, 2024, p. 19-36.
- Référence électronique
Sébastien Lebray, « “Epilogue” des Daft Punk. Un outil-œuvre de communication à l’ère du Web », Revue musicale OICRM, vol. 11, no 2, 2024, mis en ligne le 19 décembre 2024, https://revuemusicaleoicrm.org/rmo-vol11-n2/epilogue-daft-punk/, consulté le…
Auteur
Sébastien Lebray, Université de Strasbourg
Sébastien Lebray est agrégé de musique et docteur en musicologie. Il enseigne différentes disciplines historiques, théoriques et techniques autour des musiques populaires à l’Université de Strasbourg. Sa thèse porte sur les notions d’historisme et de progrès dans l’album Random Access Memories (2013) des Daft Punk. Plus largement, ses recherches l’ont conduit à s’intéresser particulièrement à l’histoire des musiques électroniques et à l’étude des processus compositionnels de la culture DJ et du home-studio.
Notes
↵1 | Cet article bénéficie du soutien financier de l’Institut Thématique Interdisciplinaire CREAA dans le cadre du programme ITI 2021-2028 de l’Université de Strasbourg, du CNRS et de l’INSERM (IdEx Unistra ANR-10-IDEX-0002) et du programme Investissements d’Avenir du gouvernement français. |
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↵2 | Dans cet article, le neutre prend la forme masculine conformément aux règles grammaticales traditionnelles de la langue française, sans que ce choix n’implique une quelconque intention discriminatoire. |
↵3 | Les stratégies de communication des Daft Punk, notamment à la sortie de Random Access Memories, furent largement commentées et admirées dans des articles de Capital ou des Échos, et le groupe est apparu en couverture du magazine Management en juillet-août 2013 (Lesteval 2013 ; Lebouq 2014). |
↵4 | On peut songer aux clips de leur premier album Homework (1997,) réalisés par les cinéastes Romain Coppola, Spike Lee et Michel Gondry, au film Interstella 5555: The Story of the Secret Star System, réalisé par Kazuhisa Takenouchi à partir des dessins de Leiji Matsumoto, qui illustre l’album Discovery à la façon d’une suite de clips formant un récit audiovisuel unique et cohérent, ou aux compositions de musiques de film comme Irréversible de Gaspard Noé (par Thomas Bangalter en 2002) et Tron : L’Héritage de Joseph Kosinski (par le duo en 2010). |
↵5 | « The film offers us a vision of the cyborg posthuman future ». |
↵6 | « “It’s like the core of the record,” says de Homem-Christo, “and the memories of the other tracks are revolving around it” ». |
↵7 | « The pivotal track on the record ». |
↵8 | Electroma a été présenté au festival de Cannes en 2006, puis diffusé exclusivement au cinéma du Panthéon à partir de mars 2007. Random Access Memories, l’album dont est extrait « Touch », a été enregistré en analogique et l’ingénieur du son Antoine Chabert a commenté le soin particulier apporté au mastering du disque vinyle. Les éditions Coffret Deluxe et 10th Anniversary Edition de cet album sont également sorties en disque vinyle. |
↵9 | Le terme « touch », difficile à traduire dans ce contexte, pourrait signifier « un brin de », « un petit quelque chose » – mais chose ici indéfinie – de « doux » (sweet). Pour la suite : « Tu m’as trop donné à ressentir / Tu m’as presque convaincu que j’étais réel ». |
↵10 | « “Touch,” a grandiose song-suite that merges prog-rock and pop schlock ». |
↵11 | « “Touch” was the first track we started working on and almost the last to finish because it was the most complex ». |
↵12 | « Give Life Back Music » est le titre de la première chanson de Random Access Memories. |
↵13 | La section de commentaires sur la page YouTube d’« Epilogue » recueille encore trois à cinq commentaires quotidiens à l’heure de la rédaction de cet article, deux ans et demi après sa publication. |
↵14 | Membre anonyme, groupe « Daft Punk » sur Facebook, 22 février 2021. |
↵15 | Membre anonyme, groupe « Daft Punk » sur Facebook, 22 février 2022. |
↵16 | Les « exploitables » sont des structures de mème préétablies à partir d’une même image ou d’un enchaînement d’images, confrontées à un contexte différent (dialogue, étiquettes, autres images…) pour créer l’effet humoristique. |
↵17 | Les mèmes pris en exemples (et de nombreux autres) sont recensés et sourcés dans l’article d’Ally Dinning, « 17 Memes To Commemorate The End Of Daft Punk » sur le site Knowyourmeme (26 février 2021), https://knowyourmeme.com/editorials/collections/21-memes-to-commemorate-the-end-of-daft-punk. Le même site définit la notion d’« exploitable » et présente Wojak et Disappointed Black Guy. |
↵18 | Notons que leur sens du marketing reste vivace, puisqu’ils ont choisi la date du 22 février 2022 pour faire cette annonce, qui fait écho au 9 septembre 1999, la date qui avait été annoncée comme celle de leur transformation en robots – et de nombreux fans les attendaient au tournant à cette date précise, ayant repéré la similarité de la suite de chiffres et le fait que cette date correspondait exactement au premier anniversaire de l’annonce de leur séparation. |