Le discours esthétique dans la presse musicale française.
Cadre théorique et méthodologie du projet de recherche
« Histoire de l’esthétique musicale en France, 1900-1950 » (PHEM)
1Cet article est une version enrichie de la présentation du projet communiquée lors du colloque annuel Francophone Music Criticism, 1789-1914 de 2016 (7-8 juillet, Paris, Bibliothèque historique de la Ville de Paris).

Federico Lazzaro

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Résumé

Le projet de recherche « Histoire de l’esthétique musicale en France, 1900-1950 » (PHEM) vise à reconstruire le débat esthético-musical de l’époque à travers un dépouillement systématique de la presse périodique et la constitution d’une banque de données. Cet article introduit une série de publications liées au projet tout en illustrant le cadre théorique et la méthodologie.

Mots clés  : 1900-1950 ; discours ; esthétique musicale ; France ; presse musicale.

Abstract

The research project “History of Musical Aesthetics in France, 1900-1950” (PHEM) aims at uncovering the music-aesthetic debate of that period through a thorough examination of the press and the development of a data-base. This paper provides an introduction to a series of publications linked to the phem. It discusses the theoretical frame and methodology of the project.

Keywords: 1900-1950; aesthetics of music; discourse; France; musical press.

 

Le projet d’une histoire de l’esthétique musicale en France entre 1900 et 1950 à travers la presse (PHEM) est né en 2012 dans le cadre des activités du Laboratoire Musique, histoire et société (LMHS) de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM). Il s’agit d’un projet de recherche qui ne peut se développer qu’à plusieurs mains, et ce, en raison de la nature plurielle de l’objet d’étude : le discours esthétique est conduit par une pluralité d’acteurs, dans une pluralité de lieux, sous une pluralité de formes. Éparpillé, ce n’est qu’une partie minime du discours esthétique qui se retrouve figée dans les livres. Ce sont les revues (musicales ou hébergeant une section consacrée à la musique) qui constituent les vraies protagonistes de la réflexion sur la musique et de sa catégorisation à l’époque des avant-gardes.

Les revues offrent plusieurs lieux pour le discours esthétique. Si les plus apparents sont les articles de fond, l’esthétique musicale se trouve constamment en filigrane dans les comptes rendus de concert et les débats. Le lecteur se voit continuellement bombardé par des prises de position sur ce que la musique doit ou ne doit pas être, par des considérations sur l’évolution de l’art et du goût, par des messages subtils à propos du rapport entre un artiste et sa nationalité, etc. Les lecteurs ainsi sollicités ne se limitent pas à jouer un rôle passif : certains d’entre eux, et notamment les compositeurs et les chefs d’orchestre, deviennent eux-mêmes acteurs du débat esthétique dans les revues, qui offrent des espaces de développement d’un discours pluriel, à l’instar des polémiques et surtout des enquêtes.

Ce discours pluriel, éparpillé et multiforme nous amène à une question fondamentale : que peut-on inclure dans la catégorie « esthétique musicale » qui serait ainsi l’objet de notre étude ? Le présent article propose une réponse à cette question relativement à notre projet, tout en présentant les buts, les méthodes, les résultats partiels et les perspectives du PHEM.

 

Le discours esthétique diffus : le cadre théorique du projet

Qui sont les principaux auteurs dont il faudrait tenir compte pour écrire une histoire de l’esthétique musicale en France à l’époque des avant-gardes ? La réponse n’est pas évidente, car aucune monographie à sujet esthético-musical n’a été canonisée par l’historiographie en ce domaine, à l’exception de quelques ouvrages assez tardifs, notamment la Poétique musicale d’Igor Stravinsky ([1942]2000)2Sur la responsabilité intellectuelle de la Poétique musicale – ouvrage écrit à six mains par Stravinsky, Pierre Souvtchinski et Roland-Manuel –, voir Dufour 2006, p. 213-244. et les ouvrages de Gisèle Brelet (1947, 1949, 1951) ou de Boris de Schlœzer ([1947]2009)3Parmi les manuels d’esthétique musicale, signalons que Guanti (1999, p. 393-394) consacre également un paragraphe à Lalo ([1908]1939). Garda (2007, p. 145-151) consacre une section à Brelet (1949), ouvrage mis en perspective avec la réflexion sur le temps musical de Souvtchinski (1939, intégrée dans Stravinski [1940]2000) et l’esthétique comparée des arts d’Étienne Souriau (1947). Aucun de ces auteurs n’est évoqué dans le Routledge Companion to Philosophy and Music (Gracyk et Kania 2014). L’anthologie dirigée par Ruth Katz et Carl Dahlhaus (1987) accueille des textes de Henri Bergson, mais qui remontent au XIXe siècle..

Il est pourtant possible de compter une trentaine d’ouvrages d’esthétique musicale parus en France entre 1900 et 1950. Il y a, tout d’abord, des livres dont le titre explicite le sujet par l’utilisation de mots renvoyant aux domaines de l’esthétique et de la philosophie musicales4Remarquons toutefois que l’utilisation du mot « esthétique » dans un titre n’est pas une condition suffisante pour conclure que le contenu d’un ouvrage est effectivement esthétique (même au sens large : voir ci-dessous). Un exemple marquant est celui de l’Encyclopédie de la musique et Dictionnaire du Conservatoire (Lavignac et La Laurencie 1922-1931) : la seconde partie de cet ouvrage immense, constituée de 6 volumes (sur onze au total), concerne « Technique, esthétique, pédagogie », et le vol. 5 s’intitule « Esthétique » tout court (« Esthétique – Chorégraphie » selon la table des matières). Pourtant, il est entièrement consacré aux techniques … Continue reading. Rentrent dans cette catégorie des ouvrages d’histoire de l’esthétique musicale concentrés sur une période donnée (Écorcheville 1906 : De Lulli à Rameau) ou un auteur (Huré 1924 : Augustin d’Hippone), ou bien proposant un parcours diachronique autour d’un concept (La Laurencie 1905 : le goût musical). D’autres monographies sont des véritables traités couvrant un large spectre de questions organisées de manière systématique, comme les Éléments d’une esthétique musicale scientifique de Charles Lalo ([1908]1939), La musique et la vie intérieure de Lucien Bourguès et Alexandre Dénéreaz (1923) – qui donne au discours esthétique les bases scientifiques de la psychologie –, jusqu’à La musique et l’homme, ou La relativité de la chose musicale d’André Cuvelier (1949). D’autres ouvrages en forme de traité s’intéressent plus particulièrement à un concept (Landry [1926]1930 : la sensibilité). Souvent, la systématicité du traité se mélange au style argumentatif de l’essai, et c’est dans cette forme hybride (penchant tantôt d’un côté, tantôt de l’autre), que la plupart des monographies à sujet esthétique de cette période peuvent être classées : citons à titre d’exemples la Philosophie du goût musical de Pierre Lasserre ([1922]1931), La musique rénovée selon la synthèse acoustique de Prudent Pruvost (1931), les essais « en vue d’une esthétique générale » du compositeur Georges Migot (1937)5La pensée esthétique de Migot a fait l’objet d’une monographie par Annie Trainaud (1983). ou le Traité de la musique selon l’esprit de Saint Augustin signé Henri Davenson (pseudonyme d’Henri-Irénée Marrou, 1942), qui combine l’étude systématique de la pensée d’Augustin et la démonstration de sa valeur actuelle6Voir Parodi, Lazzaro et Ghidoni 2010.. D’autres traités/essais se situent à la frontière entre la philosophie et l’ésotérisme, à commencer de La musique et la magie de Jules Combarieu (1909), et jusqu’à l’Essai sur le rythme de Matila Ghyka (1938) ou Magie sonore d’Hélène de Callias (1938) ; d’autres encore à celle entre l’esthétique et la littérature, comme Musique et poésie d’André Suarès (1928) ou La musique consolatrice de Georges Duhamel (1944).

Au-delà de ces monographies consacrées spécifiquement à l’esthétique ou à la philosophie musicale, et au-delà des œuvres philosophiques où la musique occupe une place importante – on pense évidemment à Henri Bergson, mais mentionnons aussi le Belphégor. Essai sur l’esthétique de la présente société française de Julien Benda (1918) –, beaucoup sont les livres à sujet musical où les considérations esthétiques s’insèrent constamment dans le discours : des recueils d’interviews (par exemple, Bruyr [1930] et 1933), des panoramas de la musique contemporaine (comme Cœuroy [1928]1930 ou Bernard 1930), des monographies consacrées à un thème chaud de la modernité, à l’instar du jazz (Cœuroy et Schaeffner 1926), du phonographe (Cœuroy et Clarence 1929) ou de la radio (Cœuroy 1930). Pour compléter ce panorama de publications riches en réflexions et en prises de position esthético-musicales, il y a bien sûr les livres-manifeste, comme Le Coq et l’Arlequin de Jean Cocteau ([1918]2016)7Pour un aperçu des manifestes musicaux ou avec un impact sur la musique en France, voir Pistone 1986. Sur le manifeste comme acte esthétique moderniste, voir Cohen 2004, et sur le manifeste comme œuvre moderniste, voir Badiou 2005, chap. 11 : « Avant-gardes »..

Ces derniers constats confirment la donnée fondamentale exposée plus haut : le caractère éparpillé et omniprésent du discours esthétique, qui peut faire l’objet d’une monographie, mais peut aussi se glisser dans des ouvrages dont l’approche n’est pas forcément philosophique ou théorique. La formation des auteurs des livres susmentionnés est révélatrice : on va de Lalo, un « vrai » esthéticien, philosophe, auteur de plusieurs ouvrages d’esthétique, à des compositeurs (comme Bernard) ou des polygraphes (comme Landry). En effet, différents profils de savants et d’intellectuels s’accordent le droit de se prononcer sur des questions d’esthétique musicale, et le font régulièrement dans la presse – ce qui n’étonne pas, dans ces années d’intersection entre le « siècle de la presse » (Charle 2004) et le « siècle des intellectuels » (Winock 1999).

Dans les revues, on retrouve une dynamique similaire. D’un côté, des articles ouvertement d’esthétique musicale – leur titre contenant l’expression. De l’autre, et en majorité, une pléthore de réflexions et prises de position esthétiques sous-entendues dans des articles de fond touchant à des enjeux de société ou de technique musicale, dans des comptes rendus, dans des mini-essais. L’ampleur du discours esthético-musical « entre les lignes » (au moment d’écrire ces lignes, nous avons sélectionné plus de 2200 textes) n’est pas difficile à expliquer. La société qui fait l’objet de notre recherche vivait de profonds changements dans ses habitudes d’écoute et de consommation musicale lato sensu : l’arrivée des musiques extra-européennes et du jazz et leur assimilation compositionnelle, le franchissement des limites de la tonalité et plus généralement des conventions d’écriture établies par la tradition, les phénomènes des groupements artistiques cherchant leur fortune autour d’un manifeste ou en dehors des lieux officiels de la production musicale – tout cela stimule la réflexion et le débat par rapport aux points de repère qui étaient les catégories esthétiques sur lesquelles on s’était appuyé confortablement et qui commencent maintenant à être mises en cause. Les compositeurs de plus en plus « musicographes » et les critiques de profession se sentent chargés de comprendre, d’interpréter, même de rassurer leur public inquiet et substantiellement conservateur. Comme Sylvain Caron, François de Médicis et Michel Duchesneau (2006, p. 12) l’ont souligné, l’auditoire à l’époque de la « modernité » « fait souvent preuve de conservatisme par sa tendance à la frilosité intellectuelle et son penchant pour un confort esthétique similaire au confort économique et culturel privilégié par [la petite et la moyenne bourgeoisie]8Une réflexion sur les rapports entre la critique musicale et l’esthétique est présentée dans Duchesneau 2007. ».

L’incipit d’une « causerie » parue dans Le Ménestrel en 1934 et intitulée « Un peu d’esthétique » est révélateur de ce rôle à la fois philosophique et consolateur dont le public bourgeois investit le compositeur :

« Monsieur, vous qui êtes artiste, vous nous obligeriez en nous donnant une bonne définition de l’Art… ». Combien de nous se sont vu poser – ou ont vu poser à des camarades – cette question insidieuse, dans des milieux bourgeois, par de braves gens, souvent cultivés, vraisemblablement sincères dans leur désir, et qui ne se doutaient pas qu’ils soumettaient leur auditeur à une petite torture, au grand dam de sa réputation pour la galerie ! (Blondel 1921, p. 147)9L’auteur de cette causerie, Raoul Blondel, était un médecin-compositeur : auteur d’une « Contribution à l’étude anatomique et physiologique de la faculté musicale » (1934), il signait ses partitions sous le pseudonyme (qu’on pourrait désigner de « chromatique ») de Raoul Brunel. La fiche biobibliographique sur Blondel est disponible dans la section « Musicographes » du site Presse musicale : http://pressemusicale.oicrm.org/corpus/musicographes/ (consulté le 13 septembre 2017)..

Le genre de la « causerie » est un exemple significatif de lieux non savants où s’insinue le discours esthétique. D’autres sont notamment les comptes rendus de concert, où les critiques affirment entre les lignes de leurs commentaires des convictions esthétiques souvent assez développées, tantôt sous forme d’affirmations ex cathedra, tantôt sous forme de questionnements. Comme exemple de la première attitude (affirmations ex cathedra), on pourrait prendre le compte rendu de La création du monde de Darius Milhaud par Pierre de Lapommeraye (1923)10Pour une analyse des critiques du ballet de Milhaud (d’après un scénario de Blaise Cendrars, chorégraphie de Jean Börlin, décors de Fernand Léger, créé par les Ballets suédois au Théâtre des Champs-Élysées le 25 octobre 1923), voir Lavoie 2007.. Le critique décrit, dans un premier temps ([1] dans le passage cité ci-après), le déroulement de la pièce jusqu’au point qui fait l’objet de son credo esthétique [2], qui est exprimé sous forme d’affirmations catégoriques s’enchaînant sans solution de continuité à la description. En effet, le critique utilise le cas spécifique (la pièce dont il rend compte) comme prétexte pour l’expression de sa position esthétique sur la place que le rythme, le jazz, la percussion et le primitivisme devraient occuper, selon lui, dans la musique contemporaine. Il le fait dans un style qui se veut objectif, en excluant tout marqueur d’opinion (« d’après moi », « à mon avis », etc.), auquel il préfère la forme impersonnelle « on ». L’esthétique de Lapommeraye est normative, visée à établir ce qu’il faut et qu’il ne faut pas faire selon une perspective de progrès de la musique :

[1] Un prélude quelquefois mélodique, chanté par un simple quatuor à cordes soutenu avec de sages et souvent heureuses interventions de la batterie, entr’ouvrait [sic] une porte par laquelle filtrait une douce clarté, et soudain une tempête soufflée par les cuivres et les bois la ferma brutalement, et le jazz le plus dissonant, le plus sauvage, tel qu’on doit en entendre parmi les peuplades les plus arriérées se déchaîna sans indulgence. [2] Oui, le rythme et le mouvement ont une force indéniable, cela est reconnu depuis longtemps : le dynamisme du tambour est utilisé depuis nombre de siècles pour scander la marche des troupes ; mais le tambour n’a jamais, que l’on sache, donné naissance à des œuvres musicales : il doit rester ce qu’il est, un instrument d’adjuvant musculaire. Revenir au tam-tam, au xylophone, au hurlement des cuivres, au bruit, ce n’est pas progresser, et l’on est surpris de voir qualifier cela de musique d’avant-garde, alors que c’est musique d’arrière-garde qu’on devrait dire. L’Art nègre peut être documentairement fort intéressant, on peut même lui emprunter des moyens d’expression, mais il appartient à un passé lointain qu’il est inutile de ressusciter. Cela ne vaut que comme musique humoristique, et encore n’en supporte-t-on qu’une dose très modérée (Lapommeraye 1923, p. 454).

Comme exemple d’une attitude plus indirecte, où le discours esthétique naît à travers des questionnements généraux formulés par l’auteur du compte rendu à partir de la pièce recensée, nous proposons un compte rendu par André Schaeffner (1925) d’un concert de Jean Wiéner (le célèbre promoteur des « concerts salade », mélangeant le jazz, la musique classique « canonisée » et l’avant-garde). La problématique qui est à la base de la réflexion de Schaeffner est la même qui guidait Lapommeraye : jusqu’à quel point la nouvelle musique peut-elle naître d’un mélange de genres, de styles, de ressources traditionnellement non artistiques au sens élevé. À la différence de Lapommeraye, Schaeffner ne procède pas par des diktats, mais propose au lecteur des thèmes de discussion :

Mais, tout d’abord, était-il si opportun d’introduire le répertoire du beuglant dans une salle de concerts, alors que les music-halls sont ouverts à chacun et qu’il nous reste à connaître, presque en totalité, une centaine d’opéras et d’oratorios de Haendel, deux cents cantates de J.-S. Bach, un demi-millier d’œuvres de Mozart ?… De plus, à une époque où le mélange des arts et la confusion des genres se trouvent généralement honnis, comment expliquer l’entrée au concert de tel numéro de music-hall, où la littérature et le spectacle tiennent autant d’importance, sinon plus, que la musique : cette face fardée qui évoquait irrésistiblement telles figures blafardes et déjà classiques d’un Toulouse-Lautrec, cette sentimentalité plutôt équivoque, cette voix un peu enrouée et perpétuellement sur les confins de la fausse note – tout cela ne composait-il point un dangereux ensemble extra-musical (ibid., p. 53) ?

Dans les deux cas de Lapommeraye et de Schaeffner, les critiques prennent position sur ce que la musique doit et ne doit pas être en considérant l’évolution de l’art et du goût.

Le lecteur continuellement sollicité se fait lui-même acteur du débat esthétique dans les revues en créant des polémiques et en répondant aux enquêtes. Les polémiques sont le résultat des réactions, souvent en série, à un article. D’habitude, elles se caractérisent par des échanges entre deux personnes (l’auteur de l’article et la personne qui lui répond, engendrant presque toujours une contre-réponse), mais dans quelques cas elles prennent une dimension véritablement plurielle. Par exemple, en 1910, Gabriel Bender publie dans Le Guide du concert un « libre propos » au sujet des « Interprètes invisibles ». Moult réactions parviennent à la revue, qui décide de les recueillir sous l’étiquette de «Tribune libre. L’orchestre invisible » (1911) – vingt interventions étalées sur six numéros de l’hebdomadaire.

Ce modèle de publication regroupée de prises de position par rapport à une question est à la base des enquêtes, moyen de débat très commun dans les revues françaises de la première moitié du XXe siècle11Alain Vaillant (2011) relie à la tradition de la polémique l’essor des enquêtes au tournant du XXe siècle : « préfiguration de nos forums actuels, [la multiplication des enquêtes en tous genres] entraînera de larges débats médiatiques sur des questions aussi essentielles que le port du chapeau haut de forme ou la pratique du vélo » (p. 974).. Les sujets des enquêtes menées par les revues musicales sont généralement centrés sur des questions techniques et esthétiques soulevant un débat : l’interprétation, l’inspiration, les différents genres de musique (vocale, de chambre, le théâtre lyrique, etc.), le rôle de la critique, la musique contemporaine et l’« évolution musicale », la musique française, le film sonore, etc. Il existe aussi des enquêtes plus « frivoles », comme celle sur « Le mariage des artistes » (Le Monde musical, 1923) ou celle sur « Les applaudissements au concert » (Le Guide du concert, 1932), à intérêt plus politico-économique, par exemple « Comment permettre aux concerts symphoniques de vivre ? » (Le Courrier musical, 1930), ou suggérant des liens inattendus, comme dans le cas de « La musique et le sport » (Le Guide du concert, 1924-1925). L’intérêt de ces enquêtes consiste aujourd’hui, d’une part, à nous renseigner sur les sujets d’actualité du milieu musical : l’enquête est habituellement proposée par le directeur de la revue, qui introduit la problématique visée et propose une série de questions auxquelles les lecteurs – et souvent des personnalités choisies qui se voient remettre directement par la poste l’invitation à participer à l’enquête – sont appelés à répondre. D’autre part, les réponses publiées témoignent de la façon de penser la musique par ses protagonistes et ses amateurs : les choix lexicaux et les positions exprimées sont révélateurs de l’esthétique musicale diffuse dans le milieu (le niveau partagé des concepts et des orientations principales), ce qui nous permet d’évaluer la portée des différences se présentant sous la plume de certains intervenants.

Que peut-on donc inclure dans la catégorie d’esthétique musicale ? Si l’on accueille l’acception la plus large de cette discipline (telle que formulée notamment par Alessandro Arbo12Dans son introduction à Arbo 2007a, ainsi que dans Arbo 2007b.), on y inclut toutes formes de réflexion sur la musique ayant a) une dimension généralisant, qui dépasse le commentaire spécifique (analytique, historique ou de chronique), b) une dimension prescriptive, c) un désir de s’insérer dans un débat autour de certains thèmes concernant la musique en tant qu’objet d’art (excluant ainsi les réflexions se concentrant strictement sur l’économie, la politique, la pédagogie ou la théorie musicales). On retrouve, dans cette vaste réflexion sur la musique, des questions classiques autour d’une liste traditionnelle de concepts : le goût, le beau, la sensibilité, l’autonomie de l’œuvre d’art, le génie. D’autres questions émergent et s’affirment comme éléments de réflexions centraux de cette période : le nationalisme, le cinéma ou le « machinisme » (qui inclut la phonographie et la radio). Ainsi, le présent projet donne la possibilité de mieux connaître les catégories utilisées de façon pragmatique ou carrément théorisées dans la presse musicale ; ceci permet de faire une archéologie des grands courants en « isme » et, parfois, de remettre en question l’appropriation par l’historiographie d’étiquettes telles que néoclassicisme ou impressionnisme, devenues emblématiques de la musique de la période qui nous concerne.

Comment faire, donc, pour saisir cet éparpillement et étudier ce discours esthétique pluriel et quasi omniprésent dans la presse musicale française de la première moitié du XXe siècle ?

 

Saisir l’éparpillement : méthodologie et présentation du projet

En 2012, Michel Duchesneau lançait un projet de recherche dont le but était de reconstruire et d’étudier ce discours esthétique éparpillé. Il s’agit d’un projet à plusieurs mains et en plusieurs phases, dont les résultats sont hébergés dans le site http://pressemusicale.oicrm.org, qui regroupe tous les projets de recherche autour de la presse musicale réalisés par l’équipe « Musique en France aux XIXe et XXe siècles. Discours et idéologies ».

En ce qui concerne le projet sur l’esthétique musicale, le site permet d’avoir accès à quatre catégories d’éléments décrites ci-après.

Banque de données

La banque de données contient de centaines d’articles de presse que nous avons sélectionnés et indexés et qui nous ont paru pertinents pour une histoire de l’esthétique musicale en France entre 1900-1950. Cet interminable work in progress compte à ce jour plus de 2200 articles issus de huit revues musicales (Le Courrier musicalLe Guide du concert, Le Ménestrel, Le Monde musical, Musique, La Musique pendant la guerre, La Revue musicale, Revue Pleyel).

Le défi n’est pas tant de constituer le corpus, mais plutôt de le restreindre. A priori, chaque texte qui exprime un jugement de valeur sur une œuvre, chaque commentaire qui s’attèle à des notions telles l’évolution de la musique ou les enjeux de la modernité peut être intéressant pour tracer un panorama des positions les plus récurrentes ou une liste des termes les plus utilisés. Mais, puisque ce type de discours est présent presque partout (articles de fond, enquêtes, comptes rendus), une sélection s’impose. Nous avons donc décidé de répertorier uniquement les textes dans lesquels l’intérêt esthétique ne se limite pas à une phrase ou à un commentaire fugaces, mais constitue une partie essentielle, à la fois sur le plan de la place occupée dans le texte et de l’implication de l’auteur dans le discours. Ainsi, tout compte rendu où se glissent des affirmations comme « cette œuvre est très sincère et est un exemple puissant de bonne musique » n’a pas été inclus dans le corpus. Il est certainement intéressant de constater qu’un critère de définition de la « bonne musique » était la sincérité, mais il est possible de trouver de dizaines de textes où ce même concept est exposé d’une façon plus développée qu’en une seule phrase. Ce sont donc ce type de textes plus aboutis qui ont été sélectionnés.

Nous avons donné la priorité au dépouillement des périodiques musicaux, mais nous menons en parallèle un projet d’identification de tous les articles sur la musique paru dans des revues culturelles – nous travaillons présentement sur le Mercure de France et sur La Revue politique et littéraire (Revue bleue). Bien que l’opération de dépouillement soit potentiellement infinie, à partir du corpus déjà disponible, il est possible de suivre des pistes de recherche et d’aboutir à des résultats.

Chaque texte sélectionné pour la banque de données dans le cadre du phem a été indexé selon un système de mots clés que nous avons développé au fur et à mesure que la recherche prenait forme13Nous reprenons à partir d’ici jusqu’à la fin de la section A, le texte de présentation publié sur le site http://pressemusicale.oicrm.org/projets-de-recherche.. Il s’agit d’un système qui est à la fois emic (qui rend compte des concepts utilisés dans le discours de l’époque) et etic (qui regroupe ces concepts par catégories). Par conséquent, le vocabulaire effectivement utilisé par les musicographes offre un panorama des concepts discutés, et le regroupement de ces concepts par thématiques permet à la fois de baliser et de délimiter le champ notionnel esthétique de la période et de créer de liens entre textes qui n’utilisent pas forcément le même mot pour traiter du même problème, et ainsi de rebondir d’un texte à l’autre selon son champ d’intérêt spécifique.

Ceci est possible parce que l’indexation de chaque article présente les deux niveaux de mots clefs (les concepts tels qu’ils se présentent dans le texte de l’article et leur catégorie)14La liste de mots clés regroupés par catégories est accessible en cliquant sur « Liste des mot clés du PHEM » à partir de l’interface de recherche de la banque de données (http://lmhsbd.oicrm.org/). Cette liste est mise à jour en temps réel.. Il est donc possible de faire une recherche par concepts ou par catégories. Par exemple, les concepts de « cacophonie », « bruitisme » et « chaos » qu’on retrouve dans la presse (emic) ont été regroupés dans la catégorie « bruit » (etic).

Voici un exemple de recherche par concept (emic) : si l’on est intéressé au « bruitisme », on pourra chercher directement ce mot dans la banque de données. Cela donnera accès uniquement aux textes où le mot « bruitisme » est présent.

(N.B. : le concept a systématiquement été normalisé à sa forme substantivée. Ainsi, l’adjectif « bruitiste » est transformé en « bruitisme ».)

Voici un exemple de recherche par catégorie (etic) : si l’on est intéressé au « bruitisme », on pourra lancer une recherche ayant pour mot clef la catégorie dans laquelle ce concept a été inséré, à savoir « bruit ». Ceci permettra au chercheur d’avoir accès non seulement aux textes où le terme « bruitisme » a effectivement été utilisé, mais à tous les textes où la thématique du « bruit » est abordée.

 

Descriptif des périodiques

Le site contient également une page consacrée aux fiches des périodiques utilisés dans le projet, divisés en revues musicales, revues culturelles et quotidiens (http://pressemusicale.oicrm.org/corpus/periodiques). Au moment de la publication du présent texte, les fiches des revues suivantes sont accessibles : Le Courrier musical, Le Guide du concert, Le Ménestrel, Le Mercure musical (La Revue musicale sim), Musique, La Revue musicale, Revue Pleyel.

Contributeurs

Une autre section du site présente des fiches des protagonistes du discours que nous étudions, dans le but de fournir aux chercheurs un portrait concis de la formation, de la profession, des champs d’intérêt et des publications de ces « musicographes » actifs dans les pages des périodiques analysés (http://pressemusicale.oicrm.org/corpus/musicographes). Au moment de la publication du présent texte, les fiches suivantes ont été mises en ligne : Joseph Baruzi, Louis-Charles Bataille, Marcel Belvianes, Eugène Berteaux, Albert Bertelin, Raoul Blondel (Raoul Brunel), Adolphe Boschot, Raymond Bouyer, Michel Dimitri Calvocoressi, André Cœuroy, Henri Collet, Martin Stanislas Gillet, Paul Landormy, Raymond Petit, Jean Poueigh, Charles Tenroc, Jean d’Udine, Émile Vuillermoz.

Travaux

La dernière section du site est consacrée aux matériaux utiles pour faire parler le corpus, comme les études présentées ci-après dans la section « Notes de terrain » de la Revue musicale oicrm. Idéalement, notre intention est de publier régulièrement une série de contributions liées au projet, et le site pourra héberger des matériaux reliés aux articles publiés ainsi que d’autres matériaux. Plus particulièrement, les deux contributions publiées ci-après exemplifient les deux typologies de publications liées aux phem que nous allons publier régulièrement dans la Revue musicale oicrm :
des articles ayant pour objet un musicographe (dans le cas présent, Raymond Bouyer) et d’autres qui, sous la forme d’une anthologie commentée, explorent des mots clés choisis (en l’occurrence ici, « internationalisme » et « cosmopolitisme »). Ces courtes études sans prétention d’exhaustivité ont comme but de « faire parler » la banque de données, tout en ouvrant des pistes de recherche et en dressant, une fois que leur nombre sera significatif, un portrait du discours esthétique dans la presse musicale française entre 1900 et 1950.

 

Bibliographie15Tous les liens Internet cités ont été consultés le 13 septembre 2017.

Arbo, Alessandro (dir.) (2007a), Perspectives de l’esthétique musicale. Entre théorie et histoire, Paris, L’Harmattan.

Arbo, Alessandro (2007b), « Pertinences de l’esthétique musicale », dans Arbo 2007a, p. 57-73.

Badiou, Alain (2005), Le Siècle, Paris, Éditions du Seuil.

Benda, Julien (1918), Belphégor. Essai sur l’esthétique de la présente société française, Paris, Émile-Paul Frères, https://archive.org/details/belphgoressais00bend.

Bender, Gabriel (1910), « Libres propos. Interprètes invisibles », Le Guide du concert, vol. 2, no 5 (5 novembre), p. 39, disponible dans la banque de données du PHEM : http://lmhsbd.oicrm.org/media/ART-BEG-1910-01.pdf.

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Citation

  • Référence papier (pdf)

Federico Lazzaro, « Le discours esthétique dans la presse musicale française. Cadre théorique et méthodologie du projet de recherche “Histoire de l’esthétique musicale en France, 1900-1950” (PHEM) », Revue musicale OICRM, vol. 4, no 2, 2017, p. 163-175.

  • Référence électronique

Federico Lazzaro, « Le discours esthétique dans la presse musicale française. Cadre théorique et méthodologie du projet de recherche “Histoire de l’esthétique musicale en France, 1900-1950” (PHEM) », Revue musicale OICRM, vol. 4, no 2, mis en ligne le 14 décembre 2017, https://revuemusicaleoicrm.org/rmo-vol4-n2/courrier-musical/, consulté le…


Auteur

Federico Lazzaro, Université d’Ottawa

Federico Lazzaro est titulaire de deux doctorats en musicologie portant sur la musique en France dans la première moitié du XXe siècle (Università di Pavia, 2011; Université de Montréal, 2015). Dans le cadre d’un stage postdoctoral à la McGill University (bourse OICRM), il a co-organisé avec Steven Huebner le colloque interdisciplinaire international Migration artistique et identité. Paris, 1870-1940 (2017). Il est stagiaire postdoctoral à l’Université d’Ottawa (bourse FRQSC), chargé de cours à l’Université de Sherbrooke et coordonnateur du projet de recherche Esthétique musicale en France, 1900-1950 dirigé par Michel Duchesneau. Son livre Écoles de Paris en musique. Identités, nationalisme, cosmopolitisme est en cours de publication chez Vrin (Paris).

Notes

Notes
1 Cet article est une version enrichie de la présentation du projet communiquée lors du colloque annuel Francophone Music Criticism, 1789-1914 de 2016 (7-8 juillet, Paris, Bibliothèque historique de la Ville de Paris).
2 Sur la responsabilité intellectuelle de la Poétique musicale – ouvrage écrit à six mains par Stravinsky, Pierre Souvtchinski et Roland-Manuel –, voir Dufour 2006, p. 213-244.
3 Parmi les manuels d’esthétique musicale, signalons que Guanti (1999, p. 393-394) consacre également un paragraphe à Lalo ([1908]1939). Garda (2007, p. 145-151) consacre une section à Brelet (1949), ouvrage mis en perspective avec la réflexion sur le temps musical de Souvtchinski (1939, intégrée dans Stravinski [1940]2000) et l’esthétique comparée des arts d’Étienne Souriau (1947). Aucun de ces auteurs n’est évoqué dans le Routledge Companion to Philosophy and Music (Gracyk et Kania 2014). L’anthologie dirigée par Ruth Katz et Carl Dahlhaus (1987) accueille des textes de Henri Bergson, mais qui remontent au XIXe siècle.
4 Remarquons toutefois que l’utilisation du mot « esthétique » dans un titre n’est pas une condition suffisante pour conclure que le contenu d’un ouvrage est effectivement esthétique (même au sens large : voir ci-dessous). Un exemple marquant est celui de l’Encyclopédie de la musique et Dictionnaire du Conservatoire (Lavignac et La Laurencie 1922-1931) : la seconde partie de cet ouvrage immense, constituée de 6 volumes (sur onze au total), concerne « Technique, esthétique, pédagogie », et le vol. 5 s’intitule « Esthétique » tout court (« Esthétique – Chorégraphie » selon la table des matières). Pourtant, il est entièrement consacré aux techniques d’écriture et à l’histoire des formes musicales.
5 La pensée esthétique de Migot a fait l’objet d’une monographie par Annie Trainaud (1983).
6 Voir Parodi, Lazzaro et Ghidoni 2010.
7 Pour un aperçu des manifestes musicaux ou avec un impact sur la musique en France, voir Pistone 1986. Sur le manifeste comme acte esthétique moderniste, voir Cohen 2004, et sur le manifeste comme œuvre moderniste, voir Badiou 2005, chap. 11 : « Avant-gardes ».
8 Une réflexion sur les rapports entre la critique musicale et l’esthétique est présentée dans Duchesneau 2007.
9 L’auteur de cette causerie, Raoul Blondel, était un médecin-compositeur : auteur d’une « Contribution à l’étude anatomique et physiologique de la faculté musicale » (1934), il signait ses partitions sous le pseudonyme (qu’on pourrait désigner de « chromatique ») de Raoul Brunel. La fiche biobibliographique sur Blondel est disponible dans la section « Musicographes » du site Presse musicale : http://pressemusicale.oicrm.org/corpus/musicographes/ (consulté le 13 septembre 2017).
10 Pour une analyse des critiques du ballet de Milhaud (d’après un scénario de Blaise Cendrars, chorégraphie de Jean Börlin, décors de Fernand Léger, créé par les Ballets suédois au Théâtre des Champs-Élysées le 25 octobre 1923), voir Lavoie 2007.
11 Alain Vaillant (2011) relie à la tradition de la polémique l’essor des enquêtes au tournant du XXe siècle : « préfiguration de nos forums actuels, [la multiplication des enquêtes en tous genres] entraînera de larges débats médiatiques sur des questions aussi essentielles que le port du chapeau haut de forme ou la pratique du vélo » (p. 974).
12 Dans son introduction à Arbo 2007a, ainsi que dans Arbo 2007b.
13 Nous reprenons à partir d’ici jusqu’à la fin de la section A, le texte de présentation publié sur le site http://pressemusicale.oicrm.org/projets-de-recherche.
14 La liste de mots clés regroupés par catégories est accessible en cliquant sur « Liste des mot clés du PHEM » à partir de l’interface de recherche de la banque de données (http://lmhsbd.oicrm.org/). Cette liste est mise à jour en temps réel.
15 Tous les liens Internet cités ont été consultés le 13 septembre 2017.

ISSN : 2368-7061
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