Vient de paraître : Musique contemporaine en Ouzbékistan. Politique, identités et globalisation, par Lucille Lisack, Paris, Éditions PETRA, 295 pages.
« Quelle “musique contemporaine” pour la nouvelle république indépendante d’Ouzbékistan ? Avec la chute de l’URSS, c’est tout un pan de la vie musicale de Tachkent qui se trouve bouleversé. L’arrivée d’une musique d’avant-garde perçue comme occidentale, l’interprétation d’un répertoire vingtièmiste jusque-là très rarement joué et inconnu du grand public, et l’ouverture d’échanges artistiques avec l’Europe et les États-Unis contribuent à l’impression d’un choc parmi toute une génération de musiciens, musicologues et compositeurs. Les instances de jugement et les sources de financements qui, à l’époque soviétique, venaient de l’État ouzbek et des institutions centrales de Moscou, sont désormais majoritairement issues des fondations étrangères. Entre continuité des personnes et nouvelle donne économique et politique, entre rejet et regret des institutions musicales soviétiques, entre accusations d’opportunisme et conviction de créer la musique du futur, entre stratégies de captation des financements et revendications de désintéressement, la création musicale contemporaine d’Ouzbékistan concerne certes un nombre d’acteurs quantitativement restreint, mais elle offre une perspective originale sur les problématiques complexes des premières décennies de l’Ouzbékistan indépendant. C’est toute la fabrication d’une catégorie musicale, celle de « musique contemporaine » (au sens de la création musicale savante issue des avant-gardes occidentales du XXe siècle), et les jeux de miroir entre orientalisme occidental et représentation de l’Occident en Ouzbékistan qui sont questionnés dans cet ouvrage.
Cette étude se fonde sur un travail de terrain échelonné entre 2008 et 2012 et une étude de la littérature musicologique ouzbèke soviétique et post-soviétique. Les nombreux entretiens menés avec des acteurs clés ainsi que l’observation et l’analyse de situations de répétitions et de concerts mettent en lumière la création, par les acteurs de la « musique contemporaine » à Tachkent, de tout un cercle fondé sur les milieux intellectuels et artistiques de la fin de l’époque soviétique. De manière plus générale, il s’agit d’offrir une perspective locale sur un phénomène de globalisation musicale afin d’en saisir les processus à différentes échelles et d’en comprendre les mécanismes institutionnels et les motivations individuelles. »