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Vol. 4 nº 2, novembre 2017
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En août 1913, Lili Boulanger ouvre une ère nouvelle pour les femmes en remportant le premier grand prix de Rome en composition. L’arrivée d’une femme dans un métier jusqu’alors réservé aux hommes, et sa reconnaissance par une institution aussi prestigieuse que l’Académie des Beaux-Arts, déclenche une série d’articles. Certains signataires y voient une victoire, mais d’autres ressentent une défaite, voire un signe de l’affaiblissement de l’art. Avec une ironie qui cerne bien cette tension, le critique et chroniqueur musical Émile Vuillermoz tenait alors ces propos concernant la place croissante des femmes dans le monde musical : « Les esthéticiens misogynes en tirent de funestes présages. Ils nous font remarquer avec aigreur les défauts naturels, les tares originelles de l’interprétation féminine des arts. Ce sera le triomphe de la mièvrerie, de la fadeur, de l’élégance conventionnelle et de la sensiblerie » (Musica, no 114, 1912, p. 45). Parce que de tels mots sont aujourd’hui choquants, ils nous permettent de mesurer le chemin accompli en un siècle par les femmes musiciennes. D’un point de vue musicologique, l’exploration de la critique des femmes compositrice est intéressante. Elle permet de cerner un cadre de représentation symbolique et de pratiques sociales, et ainsi de mieux comprendre le contexte musical entourant Lili Boulanger et sa conquête du prix de Rome.
ISSN : 2368-7061
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