• Vol. 6 nº 2, janvier 2020

    L’ouvrage, paru en mai 2018 aux Éditions du Seuil, s’intéresse à la question de l’art dans les camps de concentration nazis à travers l’étude d’un document inédit, Le Verfügbar aux Enfers, « opérette-revue » écrite à la fin de l’année 1944 par l’ethnologue et résistante Germaine Tillion alors qu’elle était détenue au sein du block 32 du camp de concentration de Ravensbrück. Instrument de survie et moyen de création d’une identité collective à l’heure même où la négation de la personne humaine atteint son degré maximal, Le Verfügbar aux Enfers est une œuvre littéraire et musicale qui mobilise de nombreuses références issues d’un répertoire éclectique et qui fait place à une ironie parfois déconcertante.

  • Vol. 3 nº 2, mai 2016

    Le présent article se penche sur les défis qu’impliquent la restitution musicale et la performance du Verfügbar aux Enfers. La nature de cette œuvre pose un défi à la performance, entre autres parce qu’il n’existe pas à proprement parler de référent permettant de déterminer si la conception et l’interprétation coïncident avec ce qui a été imaginé au départ par les auteures. Ces dernières n’ayant pas prévu de mise en scène, plusieurs choix peuvent être effectués, modifiant ainsi la réception de l’œuvre. Pour répondre aux exigences de ce défi, une proposition de reconstruction d’un air du Verfügbar aux Enfers, parodie d’un duo extrait de l’opérette Ciboulette (1923) du compositeur Reynaldo Hahn (1874-1947), sera ici présentée.

  • Vol. 3 nº 2, mai 2016

    Lorsqu’elle est libérée par la Croix-Rouge suédoise le 23 avril 1945 avec plusieurs centaines de détenues, Tillion fait sortir clandestinement le manuscrit du Verfügbar avec d’autres documents contenant des informations de premier ordre sur le fonctionnement du camp. Mais ce n’est que bien des années après la guerre que Le Verfügbar aux Enfers sort véritablement de l’ombre. Tillion en cite d’abord des extraits dans son troisième Ravensbrück paru en 1988 (Tillion 1988), et le publie finalement comme un opus à part entière en 2005 (Tillion 2005). Cette publication marque les débuts de la seconde vie de l’opérette-revue ; rendu accessible, son texte devient par cette occasion une source et un objet d’étude pour les chercheurs, mais aussi une œuvre destinée à la scène. Or depuis la sortie du livre l’investissement du monde du spectacle à son sujet paraît plus important que celui de la recherche, les études menées étant généralement peu développées. Comment expliquer un tel décalage ?

  • Vol. 3 nº 2, mai 2016

    Le document Le Verfügbar aux Enfers appelle un programme de recherche incluant non seulement un volet proprement théorique qui croise des perspectives historiographique, littéraire, musicale et mémorielle, mais aussi un volet appliqué, qui se rapporte à la mise en musique et à l’interprétation chantée des différents numéros de cette opérette-revue. En effet, le manuscrit tient en quelque sorte lieu de « partition » d’une mémoire musicale dont notre équipe de recherche s’est employée d’abord à retracer toutes les sources, pour ensuite mieux en saisir les enjeux et en dégager les implications sur les plans artistique, mémoriel et social. Ainsi, afin de bien explorer la dimension d’oralité (Zumthor 2008) inhérente à ce document, un volet de performance s’est rapidement imposé.

  • Vol. 3 nº 2, mai 2016

    Si le titre Le Verfügbar aux Enfers lui-même fait référence à l’une des œuvres fondatrices du genre, Orphée aux Enfers de Jacques Offenbach (1858), les autres opérettes citées, soit La fille de Madame Angot de Charles Lecocq (1872), Phi-Phi de Henri Christiné (1918), Ciboulette de Reynaldo Hahn (1923) et Trois valses d’Oscar Straus (1935/1937), marquent elles aussi, chacune à sa manière, des moments de l’histoire de l’opérette. Surtout, ces pièces mettent en scène des héroïnes délurées, débrouillardes et joyeuses, qui ont pu servir d’inspiration – même inconsciente – aux prisonnières.

  • Vol. 3 nº 2, mai 2016

    Tout surprend quand on se penche sur le contexte de rédaction du Verfügbar aux Enfers, de même que sur son contenu : sa création elle-même tient du prodige (les détenues vivaient dans des conditions physiques éreintantes et s’exposaient au péril de se faire découvrir en possession non seulement de papier mais d’un manuscrit si subversif), sans parler de la présence, dans l’opérette-revue, d’autodérision, de pastiches et de renversements de pièces musicales « sur l’air de » dont elles avaient détourné les paroles. Si les citations musicales sont flagrantes dans cette œuvre, la présence d’un intertexte littéraire est aussi perceptible, caractéristique également évidente dans les témoignages rédigés après la guerre par les survivants des camps nazis. Pourquoi évoquer la littérature dans les camps et dans les témoignages ? Cette question est intimement liée à celle, cruciale, de la raison d’être de la littérature : ce sera ici le lieu d’y réfléchir en gardant à l’esprit le contexte concentrationnaire.

  • Vol. 3 nº 2, mai 2016

    Le projet de recherche qui a donné lieu à ce dossier propose d’aborder les processus de remémoration musicale et de résistance par le chant et l’humour à travers un travail de création très particulier : Le Verfügbar aux Enfers, « opérette-revue » rédigée en 1944 dans le camp de Ravensbrück par un collectif de prisonnières réuni autour de l’ethnologue française Germaine Tillion. Cette « œuvre » encore peu étudiée du point de vue des sources est un collage multiforme qui combine dialogues parlés, passages déclamés et chansons « sur l’air de… » reprenant et détournant des mélodies et rengaines connues de l’époque, et représente ainsi la vie du camp sous l’angle de l’humour et de la dérision afin d’aider les déportées à résister et à survivre à l’horreur.


  • ISSN : 2368-7061
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