« Critiques musicaux de jadis et de naguère ». Raymond Bouyer,
la musique et l’art (« Anthologie du PHEM
 » / Musicographes, 1)

Michel Duchesneau

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Résumé

Écrivain et critique d’art, Raymond Bouyer (1862-1939?) aura une activité de chroniqueur musical intense notamment au Ménestrel de 1898 à 1939. S’interrogeant notamment sur la pratique de la critique musicale, Bouyer publie dans Le Ménestrel en 1909 une série d’articles sur la situation de la critique musicale face à l’histoire de la critique d’art. Convoquant le monde grec qui occupe depuis un certain temps déjà l’esprit des musiciens, le critique se penche sur une généalogie de la critique pour en tirer un certain nombre de conclusions sur la critique moderne, rappelant qu’elle possède au moins une constante : l’autoréférentialité (« en dépit des progrès de l’érudition, chaque époque de l’art juge à son point de vue… c’est humain ! »).

Mots clés  : Bouyer ; critique musicale ; esthétique musicale ; relations interartistiquesMénestrel.

Abstract

Writer and art critic, Raymond Bouyer (1862-1939?) was a prolific music chronicler especially for Le Ménestrel from 1898 to 1939. Questioning in particular the practice of musical criticism, Bouyer published in Le Ménestrel in 1909 a series of articles on the situation of music criticism facing the history of art criticism. Alluding to the Greek world, which has occupied the minds of musicians for some time, the critic turns to a genealogy of criticism to draw a number of conclusions about modern criticism, recalling that it has at least one constant: self-referentiality (‘‘in spite of the progress of erudition, every era of art judges from its point of view… it’s human!’’).

Keywords: Bouyer; music criticism; musical aesthetics; interartistic relationshipsMénestrel.

 

Écrivain et critique d’art, Raymond Bouyer (1862-1939 ?) aura une activité de chroniqueur musical intense. Ces articles attirent l’attention par la variété des sujets abordés et par l’angle que le critique d’art adopte lorsqu’il parle de musique. S’interrogeant sur le concert, la mélomanie, la pratique de la critique musicale, il écrit tout autant sur Bach, sur l’orchestre invisible au théâtre ou sur le phénomène de la popularité. Raymond Bouyer, dont nous ne savons pratiquement rien et qui ne semble pas avoir laissé beaucoup de traces quant à sa vie personnelle, est à mon avis une figure emblématique du modèle du critique polyvalent, modèle hérité du XXe siècle. Ses écrits constituent un corpus original, témoin d’une conception interartistique lorsqu’il est question de discourir sur la musique.

Nous empruntons une partie du titre de notre présentation au titre d’une série d’articles que Bouyer publie dans Le Ménestrel en 1909 et 19101Cette série de 34 articles est consultable dans la banque de données du PHEM à partir de cette page de recherche : http://lmhsbd.oicrm.org/list/?csrfmiddlewaretoken=bcRd8q4ytzzPUALEFov1aWdx4XpXobG2&auteur__nom=bouyer&titre=critiques+musicaux&date=&mot_cle__nom=&pdf_text=&source=&tousIndex_calcul=&projet__nom=&type=&cote_calcul=&submit=.. Il s’agit pour le critique d’art de réfléchir sur la situation de la critique musicale, notamment face à l’histoire de la musique, mais aussi la philosophie, l’esthétique, l’histoire et la critique d’art. Convoquant en tout premier lieu le monde grec qui occupe depuis un certain temps déjà l’esprit des musiciens, le critique se penche sur une généalogie de la critique dont les articulations principales apparaissent aux XVIIIe et XIXe siècles. Il en tire un certain nombre de conclusions sur la critique moderne, rappelant qu’elle possède au moins une constante : « En dépit des progrès de l’érudition, chaque époque de l’art juge à son point de vue… c’est humain ! » (Bouyer 1909c, p. 273).

Dans le cadre de cet article, et puisant dans les données réunies pour la banque de données du projet « Histoire de l’esthétique musicale en France, 1900-1950 » (PHEM), je présenterai la pensée de Bouyer sur la critique musicale pour en faire une courte analyse et situer la pertinence de ses propos dans le cadre plus large de la réflexion sur la critique que mènent alors, entre autres, les jeunes musicologues qui publient dans Le Mercure musical puis la Revue SIM.

 

Raymond Bouyer : quelques bribes de biographie

D’après la fiche d’auteur publiée par la Bibliothèque nationale de France (BnF), Bouyer est né en 1862 et décédé en 1935. Cependant, on peut encore lire de ses articles dans Le Ménestrel en 1939… À moins que ce ne soit un autre Bouyer ? Mais c’est peu probable et la comparaison stylistique des textes confirme qu’il s’agit bien du même auteur. Après cette date de 1939, plus aucune trace de notre homme. Toujours selon la fiche d’auteur de la BnF, Bouyer possède une License ès lettres qu’il aurait obtenue en 1884. Dans les faits, et pour le moment, nous n’en savons guère plus.

Figure 1 : Jean Veber, <em>Raymond Bouyer</em>, lithographie, vers 1890. Disponible sur Gallica.

Figure 1 : Jean Veber, Raymond Bouyer, lithographie, vers 1890. Disponible sur Gallica.

On peut par contre retracer avec plus d’exactitude son parcours dans le milieu de la critique d’art et de musique. Il sera un auteur très actif : en plus de sa prolifique activité de critique, il publiera en 1894 un recueil de ses articles parus à la revue L’Artiste sur Le paysage dans l’art (Paris, au bureau de L’Artiste). Par la suite, et sans que notre énumération soit exhaustive, citons une biographie « critique » du peintre français du XVIIe siècle, Claude Lorrain (1600-1682) dans la collection « Les grands artistes, leur vie, leur oeuvre » chez Laurens (Paris, 1905). Il va contribuer à l’ouvrage Histoire du paysage français, collectif publié par Laurens en 1908. Entre temps, il publie une série d’articles sous le titre « Le secret de Beethoven » dans Le Ménestrel entre les mois de mars et de juin 1905 dans laquelle, aborde, entre autres, la question de la représentation sculptée de Beethoven alors qu’on envisage la réalisation d’un monument consacré au compositeur avec à la clé une question intéressante : « comment incarner Beethoven ? ». La série d’articles publiée sera reprise en recueil chez Fischbacher sous le même titre. En 1907, il commet un livre sur Oberman, précurseur et musicien. Un contemporain de Beethoven (Paris, Fischbacher).

Comme critique d’art, Bouyer publie dans le quotidien L’Écho de Paris, mais aussi dans plusieurs revues. C’est dans L’Ermitage qu’il publie ses premières chroniques musicales. L’Ermitage est une revue littéraire dirigée de 1890 à 1895 par le poète symboliste et journaliste Henri Mazel (1864-1947) et un groupe de jeunes littéraires et d’étudiants. La revue se consacre d’abord à la création littéraire et poétique, puis s’engage progressivement dans la critique et l’analyse esthétique. La revue sera le support d’une série de querelles à propos, entre autres, du symbolisme. Y prendront la plume Paul Valéry, Jean Moréas, des critiques comme Camille Mauclair et Bouyer. À partir de 1895, la revue se renouvelle et adopte un aspect Art nouveau. En 1898, on voit apparaître André Gide et Henry Ghéon comme auteurs dans ses pages. La revue, qui cesse ses activités en 1907, est ainsi considérée comme l’ancêtre de La Nouvelle Revue française. Dans un portrait très symboliste de Bouyer datant de 1893, la rédaction de la revue le présente comme un homme discret :

De cette pénombre muette, il ne sort guère, et, pourtant, se réserve les plus exquises ou nobles villégiatures, l’été, l’Acropole d’Athènes avec son flamboiement d’azur, de marbre et de soleil, l’hiver, Brocélyande [sic] où l’accueille l’éternel sourire de la comtesse Viviane. Les rares auxquels il fut donné de l’apercevoir le dépeignent de taille plutôt élevée, très brun, les cheveux et la barbe ras, avec une voix très douce et des yeux noir de jais et comme fatigués par la splendeur des chefs-d’oeuvre en la contemplation constante desquels il voudrait s’anéantir. D’autres l’affirment violent, et lui-même avoue trois haines : l’opérette, l’opéra-comique de M. Auber2Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871) est l’auteur d’une trentaine d’opéras-comiques, dont les célébrissimes Fra Diavolo ou l’Hôtellerie de Terracine (livret d’Eugène Scribe, 1830) et Le domino noir (livret de Scribe, 1837). et la comédie de salon (Fremitano 1893, p. 222).

Bouyer publie aussi dans La Nouvelle Revue de 1899 à 1905, La Revue d’art (ancien et moderne), L’Art et l’Artiste et La Revue politique et littéraire (Revue bleue). À propos de cette dernière, Le Mercure musical (La Revue musicale SIM) annonce en 1909 (voir Mercure musical 1909, p. 224) que Bouyer est nommé critique musical de la Revue bleue. Mais dans les faits, il écrit à propos d’art dès 1898 – et à propos de musique à partir de 1904. En 1910, Bouyer ne publie cependant qu’un article sur Schumann dans la Revue bleue (Bouyer 1910e).

Par contre, Bouyer sera engagé par Le Mercure musical dès 1905 (son premier article paraît dans le numéro du 15 novembre 1905). Outre des chroniques qui paraîtront régulièrement, il signe deux textes qui font appel à la notion picturale d’impression : « Impressions musicales » (15 janvier 1906) et « Quelques impressions d’un amoureux d’art » (15 octobre 1906). Au changement de direction de la revue en décembre 1906, Bouyer s’écarte de celle-ci (il signe une dernière chronique en 1907). L’orientation esthétique du critique n’est pas forcément du goût du musicologue Jules Écorcheville qui a pris la tête de l’organe musical. Ultimement, c’est surtout dans Le Ménestrel de 1898 à 1939 que l’on trouve les textes que le critique d’art consacre à la musique. Bouyer publiera dans l’hebdomadaire musical de nombreux comptes rendus et articles de fond souvent présentés en série. Ce sont ces derniers qui retiennent le plus l’attention du lecteur d’aujourd’hui.

 

Orientation esthétique et critique

En tant que critique d’art, Bouyer défend les paysagistes et l’eurythmie dans la peinture3Il partagera ses opinions avec le critique d’art Alphonse Germain. À ce sujet voir Schuh 2007.. Il s’opposera à Camille Mauclair, lui aussi critique d’art autant que critique musical, à propos de peinture en défendant les impressionnistes et critiquant le symbolisme, du moins un certain nombre d’artistes. Dans son compte rendu du salon de 1894, il n’hésite pas à critiquer le peintre Georges-Antoine Rochegrosse (1859-1938) qu’il affuble de l’épithète de « luminariste » et sourit du fait que le peintre « entend Parsifal et voit Le Chevalier aux fleurs à travers l’irisation d’une carafe » (voir Bouyer 1894, p. 349). La référence est au tableau de Rochegrosse qui porte le titre du Chevalier aux fleurs (Parsifal) et à un vase intitulé Le vase de la guerre (illustrations 2 et 3)4Le peintre réalisera des affiches de Lohengrin (1891) et de Tannhäuser (1892)..

La réaction de Camille Mauclair, grand défenseur du symbolisme, ne se fait pas attendre. Dans une lettre ouverte destinée à Bouyer, Mauclair se déclare « contempteur de la peinture d’histoire et du paysage » et « décidé […] à crier haro sur les impressionnistes ». Il ajoute : « Je ne vois pas pourquoi l’on se gênerait de leur rappeler qu’ils n’ont pas inventé la peinture, que la laideur ne remplace pas le caractère, que le dessin n’est pas superflu, et que le symbole est une chose où ils ne comprennent rien du tout » (Mauclair 1894, p. 270).

Si Bouyer soutient les impressionnistes, c’est parce qu’ils s’intéressent aux paysages et à la nature. Les fondements de l’esthétique de Bouyer puisent leurs racines dans le monde grec, la Renaissance italienne et les XVIIe et XVIIIe siècles français. Sa critique musicale comme sa critique d’art sera truffée de références à Boileau, La Bruyère, Rousseau, Lorrain, Poussin, puis Rameau, Mozart et Beethoven – trait d’union entre le classicisme et le romantisme qui marque le critique tout comme le peintre Fantin Latour servira de lien entre un passé artistique classique et une modernité qui s’en inspire.

Dans ce même compte rendu, Bouyer nous livre son credo. Il s’agit de « réveiller en nous l’âme de ces somptueux Vénitiens de la Renaissance, qui savaient unir au culte de la forme expressive, de la Grèce et du style l’amour de la nature, la compréhension de leur temps, l’apothéose de la femme et de la vie » (Bouyer 1894, p. 351).

Ce credo, on le voit en action dans son compte rendu de l’exécution du Quatuor à cordes de Claude Debussy en mai 1903 par le Quatuor Parent :

Je vous ai déjà fait pressentir qu’il y a deux sortes d’impressionnisme : l’un ivre de soleil et de vie, sanguin, très méridional ; l’autre amoureux de silence et de septentrion, Nocturne de Poe traduit par Whistler5Le peintre James Whistler sera un fin connaisseur de l’oeuvre d’Edgar Allan Poe tout au long de sa vie. On peut certainement rapprocher plusieurs tableaux titrés Nocturnes, par exemple Nocturne in Black and Gold : The Falling Rocket (1875) de l’univers de Poe sans pour autant être certain de leur filiation. Par contre, Whistler réalisera une série d’études d’après le poème Annabel Lee de Poe., « où la Ligeia rencontre Nathanael » Ultima Thule6Bouyer fait certainement référence à un ouvrage du poète Adlophe Retté publié en 1891 et qui s’intitule Thulé des brumes dans lequel il fait de l’endroit mythique appelé Thulé – lieu imaginaire évoqué autant par les grecs que les romains et que l’on retrouve, par exemple sous la plume de Goethe (Le Roi de Thulé) – un lieu de rencontre de personnages célèbres dans la littérature et la musique : « Parsifal y adore le Saint-Graal ; James le Mélancolique prend à témoin de sa rancoeur les arbres de la forêt des Ardennes et moque le cor d’Obéron implorant Titania fuyeuse ; Ligeia enseigne la méthaphysique à l’étudiant Nathanaël » (Retté 1891, p. 92). Poe … Continue reading… La nuit qui murmure… Et si Glazounov est comme le Gustave Charpentier du Quatuor slave, l’auteur de cet op. 107Bouyer établit ici une comparaison par opposition associant Glazounoz à la lumière vive (le critique fait référence au Quatuor no 3 dit « Slave » op. 26 d’Alexandre Glazounov), le comparant à Charpentier qui écrit des oeuvres qui collent à une certaine réalité et par conséquent à la vie, et Debussy préférant les demi-teintes et le monde des nocturnes de Whistler. n’est pas un impressionniste éperdu d’amour pour la couleur vive. Il est lointain lui-même, mais pas du tout comme le russe. Il est aussi concentré que l’autre est expansif. Il me chantait, vendredi soir, cette strophe mystique de Léon Dierx, le maître poète du Recueillement et des Lèvres closes :

Et sous le réseau des parfums flottants,
Dans l’oubli des Dieux, du monde et du temps,
Morte au vain souci du désir frivole,
En libres essaims de songes épars.
Son âme à travers les taillis s’envole…8Vers tirés de « Après le bain » de Léon Dierx (1838-1912), dans Poèmes et poésies (1864). Les lèvres closes est un recueil de 1867. Quant à « Recueillement », Bouyer fait probablement confusion avec le célèbre poème de Charles Baudelaire (no 104 des Fleurs du mal), mis en musique notamment par Debussy, puisque ce titre est absent de l’oeuvre de Dierx.

Il s’agit d’une hamadryade, il s’agit d’une âme, d’une rêverie qui s’évade de la divine et mortelle prison d’un beau corps : et n’est-ce pas un peu l’image involontaire de la Musique même, de la Muse aux yeux clos qui respire le parfum sans copier la rose ? (Bouyer 1903, p. 580).

 

Essai sur la critiqumusical: une histoire de la critique musicale en 34 articles

En août 1909, Bouyer entame une série d’articles sur l’histoire de la critique musicale. Mais le programme qu’il propose à ses lecteurs a d’autres ambitions. Il s’agit d’établir les fondements d’une division qui serait récente (les dernières décennies du XIXe siècle) entre critique « subjective » et critique « scientifique ». Bouyer énumère ses objectifs :

Histoire de la critique dans le temps et l’espace par une étude de son « évolution »
Les catégories de critique (en fonction des états d’âme et des tempéraments)
Les services rendus par la critique : pratique et scientifique
Examen de conscience du critique (lui-même)
Quelques « personnalités » du domaine dont des écrivains… (Bouyer 1909a, p. 257).

En intellectuel sérieux, il indique ses sources. On reconnaîtra ainsi dans ses propos, certaines idées, notamment celles de Frédéric Hellouin (voir Hellouin 1906), dont l’ouvrage sur la critique musicale constitue certainement l’une des études les plus complètes sur le sujet à l’époque, avec les travaux d’Ernest Thoinan (1873) et d’Henri Lavoix (1891).

L’essai de Bouyer est cependant particulièrement intéressant parce qu’il donne l’occasion à son auteur de mettre en parallèle les critères et les modalités de la critique musicale avec ceux des arts visuels, tout comme il lui permet d’établir une relation moins tendue entre littérature et musique lorsqu’il est question de ceux qui pratiquent la critique musicale. Pour nous, lecteurs contemporains, c’est l’occasion de mieux comprendre les principes qui régissent l’activité critique en musique de nombreux littéraires et critiques d’art qui s’aventurent dans le domaine musical. La pensée critique sur la critique émane la plupart du temps des musiciens eux-mêmes : pensons à Paul Dukas, Camille Saint-Saëns, Vincent d’Indy et Charles Koechlin.

Parmi les premières réflexions de Bouyer, notons la limite qu’il pose immédiatement : la critique d’art comme la critique musicale ne permet pas de rendre ce qui est immanent à l’oeuvre. À la limite permet-elle de décrire l’oeuvre matériellement. Il donne l’exemple du prélude de Lohengrin :

Confrère, […] croyez-vous que le critique d’art fasse mieux voir au visiteur oublieux l’harmonie linéaire ou colorée d’un visage ou d’un groupe ? Je ne le crois pas, entre nous; mais les formes humaines ou matérielles d’un tableau peuvent se décrire, même vaguement. […] Quand vous avez dit que le prélude de Lohengrin est en sol majeur, à quatre temps, dans un mouvement très large et qu’il dure exactement onze minutes ineffables, vous avez montré votre savoir ou celui des autres, mais vous n’avez rien dit du tout. Encore ce roi des préludes est-il un vrai « poème symphonique », et vous pouvez transcrire son « programme » en l’empruntant aux Gesammelte Schriften und Dichtungen du maître lui-même; avec sa sainte légende, « antérieure à la pièce », on est au théâtre, déjà. N’est-on pas toujours au théâtre, avec la belle emphase de Wagner ? Mais la musique pure ne décrit pas toujours la silencieuse approche des Anges ou le passage fulgurant de l’Idéal, ici-bas (Bouyer 1909a, p. 258).

Si la critique n’a pas la possibilité technique de révéler la singularité intrinsèque de l’oeuvre, elle possède quand même, par le pouvoir de la littérature dont elle relève, la capacité de décrire et d’exprimer les impressions que l’oeuvre suggère à l’auditeur (ou au spectateur d’un tableau – voire le lecteur d’un poème).

C’est par la jolie formule que voici, que Bouyer évoque une « métaphysique du sentiment » : « On parle de la musique, qu’on entend, comme de Dieu, qu’on n’a jamais vu, dans une extase où des épithètes seules sont possibles ; et les plus réalistes n’échappent pas, dans l’espèce, à cette métaphysique du sentiment. On adore ou l’on se tait… » (ibid.). Plus important encore, il met en évidence l’autonomie de cette critique « subjective » acquise face à l’oeuvre qui l’occupe :

Ce qu’elle [la critique subjective] aperçoit, c’est moins l’oeuvre elle-même que son rêve ; elle dissèque moins l’ouvrage nouveau qu’elle ne caresse l’expression de son impression. Le roman de sa sensibilité lui devient plus cher que l’objet aimé. Ses écrits sont devenus des paraphrases ou des confidences. Volontairement intuitive, elle sacrifie l’analyse à l’émotion. La critique subjective relève de la littérature (Bouyer 1909b, p. 266).

Bien que l’article soit une tentative de la part de Bouyer de mise à distance de l’objet, son activité de critique le situe au coeur de cette « critique impressionnable [qui] aboutit à la littérature », critique qu’il oppose à « la critique investigatrice [qui] excelle, avant tout, dans l’histoire, et [dont le] triomphe est la résurrection du passé » (ibid.).

Son parcours historique de la critique le fait remonté à la Grèce antique, mais il balise rapidement son sujet en signalant que contrairement à la critique d’art qui s’adosse aux découvertes de l’histoire de l’art, la critique musicale est pratiquement inexistante, faute d’oeuvre et se confond avec la théorie et la morale : « En Grèce, [critique et théorie] ont une tendance métaphysique à se confondre : au nom même de l’eurythmie, qui prime tout, les théoriciens de la musique étaient des mathématiciens, comme les architectes du Parthénon sont des géomètres » (Bouyer 4 septembre 1909, p. 281). De plus, l’histoire de la musique en ce qui a trait à l’Antiquité est encore balbutiante. L’exercice de la critique « scientifique » n’est donc pas encore à même de s’appliquer : pas assez de musique n’a survécu pour dépasser le savoir secondaire issu du commentaire ou de la théorie transmise par les philosophes de l’Antiquité. Quant à la critique comme entendue de manière moderne au Moyen-Âge et au début de la Renaissance, elle apparaît comme inexistante ou alors se confond toujours avec la théorie. Ce mélange entre ce que Bouyer appelle critique et théorie n’est pas anodin. Les documents historiques limitent le jugement sur l’oeuvre musicale à des questions métaphysiques et éventuellement aux principes théoriques qui doivent régir l’organisation du langage musical. L’exercice moderne de la critique scientifique dégage le répertoire ancien de ce cadre rigide : elle contribue à la redécouverte matérielle des oeuvres et oriente l’auditeur par ses choix éditoriaux :

Les cent soixante-douze vers français d’un poème savant d’Étienne Jodelle [1532- 1573]. Il n’y a pas plus de quarante ans, les seuls élèves de Fétis connaissaient de réputation ces choeurs a cappella de la Renaissance9François-Joseph Fétis (1784-1871) ayant été le champion de la musique ancienne à Paris et à Bruxelles de par son enseignement, ses publications et ses Concerts historiques. ; aujourd’hui que la jeune critique scientifique nous a réconciliés avec la lointaine ingéniosité de ces combinaisons purement vocales, nous comprenons mieux le tribut d’éloges accordé jadis à cette science mélodieuse par les rimes françaises de la Pléiade ou par le latin lapidaire des érudits (Bouyer 1909d, p. 283).

Suivant les sentiers tracés par Henri Lavoix dans son article de La Grande Encyclopédie et par Frédéric Hellouin dans son essai critique sur la critique musicale, Bouyer évacue rapidement le Moyen-Âge et la Renaissance pour concentrer son attention sur la fin du XVIIe siècle et le XVIIIe siècle. Si Lavoix considère que ce qui entoure les querelles10Rappelons rapidement ces querelles : 1733, Lullistes contre Ramistes (anciens vs modernes) ; 1752-1754, querelle des Bouffons ; 1751-1752, Rameau contre les encyclopédistes (1760, lettre de Rameau à d’Alembert) ; 1776-1779, Gluckistes contre Piccinistes. qui animent la France musicale au XVIIIe siècle n’a rien à voir avec la critique dans la mesure où les idées exprimées relevaient de l’impression personnelle animée par la « suffisance, la niaiserie et l’ignorance humaine en musique » (Lavoix 1891, p. 424), Bouyer adopte une autre attitude et appuie sa réflexion sur l’idée qu’au contraire, ces querelles basées essentiellement sur une opposition typiquement française entre les sentiments (le coeur) et la raison (l’esprit, le savoir), vont contribuer à l’essor de la critique subjective, mais aussi scientifique. Le personnage clé sera Jean-Philippe Rameau dont les écrits et tout particulièrement le Traité de l’harmonie réduite à ses principes naturels (1722) sera l’objet d’une première querelle entre anciens et modernes. Bouyer compare alors Rameau à Pascal et Poussin :

C’est un génie réfléchi qui combat le vieil empirisme au nom des principes ; et ce génie raisonneur, qui fait pénétrer la science dans l’art, est éminemment français, car il est né simplificateur : de la notion fondamentale de l’accord, il déduit son exposé des sons harmoniques, toute la mécanique savante des cadences et des modulations, enfin leurs rapports, plus fatalement mystérieux, avec l’expression des sentiments, avec les mouvements de l’âme. Ici, le psychologue apparaît. Dans le nouveau savant se révèle le prochain homme de théâtre ; et c’est encore un Français du grand siècle qui se préoccupe du jeu des passions, comme Pascal, dans ses pensées, ou Poussin, dans ses figures… (Bouyer 1909e, p. 314).

Bouyer se rapproche quand même de Lavoix lorsqu’il fixe les querelles du XVIIIe siècle comme « trois phases de l’éveil assez tapageur de la critique, où la routine populaire et puis la vanité littéraire ont tenu plus de place que le véritable “esprit musical” » (ibid.).

Bouyer articule la première phase de l’existence d’une critique musicale autour de l’oeuvre et de la personnalité de Rameau dont la pensée, les écrits et les oeuvres vont effectivement provoquer des polémiques. À la base de ces polémiques se trouve, d’après Bouyer, un préjugé contre le musicien savant et la lutte de l’habitude contre la nouveauté : « c’est l’habitude cette usurpatrice, si puissante sur l’oreille » (Bouyer 1909f, p. 321).

Le parcours historique de Bouyer a donc pour objectif d’asseoir l’opposition conservateurs/novateurs comme Hellouin le suggère à propos de Rameau : Rameau musicien de cour et théoricien contre Jean-Jacques Rousseau11Bouyer fera un lien avec la sensibilité de Rousseau et celle de Berlioz (voir Bouyer 1909h, p. 361-362). le sentimental et l’homme spirituel. Bouyer synthétise l’opposition en affirmant que « c’est l’imagination rivale de la science : éternelle antithèse » (Bouyer 1909g, p. 346) dont la préséance domine le discours critique de tout temps :

C’est l’écrivain mélomane en face du maître critique de son art ; le poète en présence du savant ; « l’amateur » devant le « professionnel » ; l’instinct, spontanément hostile à la théorie. Quels que soient leurs noms propres, vous les retrouverez à chaque époque de la critique et dans chacune des grandes guerres musicales ; et voilà pourquoi nous croyons devoir insister : c’est évidemment, sous des apparences contingentes, le contraste essentiel, et le coeur même de notre sujet. Ne l’oubliez point. Songez que nous devons répondre à ces deux objections en apparence contradictoires : que la critique musicale est inutile et même nuisible, ou qu’elle est encore à peine née… (ibid.).

Dans le cadre de cet article, nous n’explorerons pas la critique musicale du XIXe siècle selon Bouyer, notamment parce qu’il ne traite pas le sujet avec autant d’originalité que ce qui a précédé et qu’il suit au plus près les propos de ses prédécesseurs, dont Hellouin. C’est donc avec l’idée de Bouyer à propos de Rameau et Rousseau comme figures de proue des grandes orientations de la critique que nous conclurons sur l’impact de cette réflexion historique sur la critique contemporaine.

 

Conclusion

En affirmant, non sans humour, qu’« à côté de Rameau l’harmoniste, le mélodiste Rousseau personnifie l’émotion vague, qui parle admirablement d’une synthèse émouvante, et médiocrement des détails techniques : le père de la critique impressionniste ne pouvait sympathiser avec l’aïeul de la critique scientifique » (Bouyer 1909i, p. 369), Bouyer inscrit le débat de l’époque sur la pertinence et la nature de la critique dans une dynamique historique qui, sans réconcilier les deux orientations, les juxtapose.

Dans les deux cas, Bouyer affirme qu’« instinctive ou savante, la critique n’est pas faite pour annoncer le génie, mais pour l’instruire des règles et parler plus ou moins heureusement de son oeuvre ; car l’avenir musical échappe aux calculs rigoureux de l’astronomie : c’est un ciel empli d’illusions, d’erreurs et de surprises… » (Bouyer 1910a, p. 82).

Si pour Bouyer « le véritable objet de [la] jeune critique scientifique [française], si vaillante en face de l’Allemagne c’est l’investigation du passé, c’est l’histoire » (Bouyer 1910b, p. 90), cette nouvelle critique ne peut remplacer la critique subjective, impressionniste ou littéraire. La critique des spécialistes, qu’ils soient critiques musicologues ou critiques compositeurs, n’est pas garante d’impartialité dans la mesure où elle n’exprime qu’une vérité relative à celui qui la porte : « La critique, comme la musique, est surtout un reflet d’histoire intime qui ne suggère involontairement qu’un portrait de son auteur; elle exprime moins la vérité que ma vérité : c’est fatal (Bouyer 1910c, p. 105).

Bouyer aurait pu conclure sur cette idée du relativisme de la critique, mais il choisit plutôt de prendre position et d’expliquer sa propre démarche :

L’impartialité tant prônée n’est qu’une impossible chimère et que cette froide vertu n’est permise qu’aux pierres tombales. Toutes les lumières de la science ne serviront qu’à mieux éclairer cet invincible résidu d’instinct dans l’oeuvre du compositeur et dans le jugement du critique : et le critique est lui-même un modeste artiste qui recrée naïvement le drame ou la symphonie qu’il écoute. Le moi juge comme il crée, avec un élan de sa sensibilité guidée par son savoir : quelles que soient les précautions du savoir pour écarter méthodiquement toutes les chances d’erreur, la sensibilité persiste, intangible ; et l’art du bon critique n’est point d’étouffer sa sensibilité, mais de l’avertir (ibid.).

 

Bibliographie12Tous les liens ont été vérifiés en septembre 2017.

Benoit, François, Bouchot, Henri, Bouyer, Raymond et al. (1908), Histoire du paysage français, Paris, Librairie Renouard, Laurens.

Bouyer, Raymond (1894), « Bilan des deux salons », L’Ermitage, vol. 8, no 6 (juin), p. 348-352.

Bouyer, Raymond (1894), Le paysage dans l’art, Paris, au bureau de L’Artiste.

Bouyer, Raymond (1903), « Dialogues esthétiques. Un quatuor impressionniste : pour Armand Parent », La Plume (15 mai), p. 578-582.

Bouyer, Raymond (1905), Claude Lorrain, dans la collection « Les grands artistes, leur vie, leur oeuvre », Paris, Laurens.

Bouyer, Raymond (1905), Le secret de Beethoven, Paris, Librairie Fischbacher.

Bouyer, Raymond (1905), « Les théâtres. À propos de la reprise du Freischütz, à l’Opéra, le 27 octobre 1905 », Le Mercure musical, vol. 1 (15 novembre), p. 538-541.

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Citation

  • Référence papier (pdf)

Michel Duchesneau, « “Critiques musicaux de jadis et de naguère”. Raymond Bouyer, la critique et l’art (“Anthologie du PHEM” / Musicographes, 1) », Revue musicale OICRM, vol. 4, no 2, 2017, p. 176-188.

  • Référence électronique

Michel Duchesneau, « “Critiques musicaux de jadis et de naguère”. Raymond Bouyer, la critique et l’art (“Anthologie du PHEM” / Musicographes, 1) », Revue musicale OICRM, vol. 4, no 2, mis en ligne le 14 décembre 2017, https://revuemusicaleoicrm.org/rmo-vol4-n2/raymond-bouyer/, consulté le…


Auteur

Michel Duchesneau, Université de Montréal

Michel Duchesneau est professeur titulaire à la Faculté de musique de l’Université de Montréal et directeur de l’OICRM. Il est l’auteur du livre L’avant-garde musicale en France et ses sociétés de 1871 à 1939 (Mardaga, 1997), le coéditeur des collectifs Musique et modernité en France (PUM, 2006), Musique, art et religion dans l’entre-deux-guerres (Symétrie, 2009), Charles Koechlin, compositeur et humaniste (Vrin, 2010), Écrits de compositeurs (Vrin, 2013) et l’éditeur de deux volumes consacrés aux écrits du compositeur et pédagogue français Charles Koechlin (Mardaga, 2006 et 2009).

Notes

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2 Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871) est l’auteur d’une trentaine d’opéras-comiques, dont les célébrissimes Fra Diavolo ou l’Hôtellerie de Terracine (livret d’Eugène Scribe, 1830) et Le domino noir (livret de Scribe, 1837).
3 Il partagera ses opinions avec le critique d’art Alphonse Germain. À ce sujet voir Schuh 2007.
4 Le peintre réalisera des affiches de Lohengrin (1891) et de Tannhäuser (1892).
5 Le peintre James Whistler sera un fin connaisseur de l’oeuvre d’Edgar Allan Poe tout au long de sa vie. On peut certainement rapprocher plusieurs tableaux titrés Nocturnes, par exemple Nocturne in Black and Gold : The Falling Rocket (1875) de l’univers de Poe sans pour autant être certain de leur filiation. Par contre, Whistler réalisera une série d’études d’après le poème Annabel Lee de Poe.
6 Bouyer fait certainement référence à un ouvrage du poète Adlophe Retté publié en 1891 et qui s’intitule Thulé des brumes dans lequel il fait de l’endroit mythique appelé Thulé – lieu imaginaire évoqué autant par les grecs que les romains et que l’on retrouve, par exemple sous la plume de Goethe (Le Roi de Thulé) – un lieu de rencontre de personnages célèbres dans la littérature et la musique : « Parsifal y adore le Saint-Graal ; James le Mélancolique prend à témoin de sa rancoeur les arbres de la forêt des Ardennes et moque le cor d’Obéron implorant Titania fuyeuse ; Ligeia enseigne la méthaphysique à l’étudiant Nathanaël » (Retté 1891, p. 92). Poe intitulera l’une de ses nouvelles les plus célèbres Ligeia.
7 Bouyer établit ici une comparaison par opposition associant Glazounoz à la lumière vive (le critique fait référence au Quatuor no 3 dit « Slave » op. 26 d’Alexandre Glazounov), le comparant à Charpentier qui écrit des oeuvres qui collent à une certaine réalité et par conséquent à la vie, et Debussy préférant les demi-teintes et le monde des nocturnes de Whistler.
8 Vers tirés de « Après le bain » de Léon Dierx (1838-1912), dans Poèmes et poésies (1864). Les lèvres closes est un recueil de 1867. Quant à « Recueillement », Bouyer fait probablement confusion avec le célèbre poème de Charles Baudelaire (no 104 des Fleurs du mal), mis en musique notamment par Debussy, puisque ce titre est absent de l’oeuvre de Dierx.
9 François-Joseph Fétis (1784-1871) ayant été le champion de la musique ancienne à Paris et à Bruxelles de par son enseignement, ses publications et ses Concerts historiques.
10 Rappelons rapidement ces querelles : 1733, Lullistes contre Ramistes (anciens vs modernes) ; 1752-1754, querelle des Bouffons ; 1751-1752, Rameau contre les encyclopédistes (1760, lettre de Rameau à d’Alembert) ; 1776-1779, Gluckistes contre Piccinistes.
11 Bouyer fera un lien avec la sensibilité de Rousseau et celle de Berlioz (voir Bouyer 1909h, p. 361-362).
12 Tous les liens ont été vérifiés en septembre 2017.

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